Page:Verne - Les Indes noires, 1877.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
nell au cottage.

double sentiment de pitié et de sympathie. L’état de ce pauvre être, vêtu d’une misérable cotte de grosse étoffe, était bien fait pour les impressionner.

Harry, plus que tout autre, se sentait irrésistiblement attiré par l’étrangeté même de Nell.

Il s’approcha alors. Il prit dans sa main la main que Madge venait d’abandonner. Il regarda bien en face Nell, dont les lèvres ébauchèrent une sorte de sourire, et il lui dit :

« Nell… là-bas… dans la houillère… étais-tu seule ?

— Seule ! seule ! » s’écria la jeune fille en se redressant.

Sa physionomie décelait alors l’épouvante. Ses yeux, qui s’étaient adoucis sous le regard du jeune homme, redevinrent sauvages.

« Seule ! seule ! » répéta-t-elle, et elle retomba sur le lit de Madge, comme si les forces lui eussent manqué tout à fait.

« Cette pauvre enfant est encore trop faible pour nous répondre, dit Madge, après avoir recouché la jeune fille. Quelques heures de repos, un peu de bonne nourriture, lui rendront ses forces. Viens, Simon ! viens, Harry ! Venez tous, mes amis, et laissons faire le sommeil ! »

Sur le conseil de Madge, Nell fut laissée seule, et on put s’assurer, un instant après, qu’elle dormait profondément.

Cet événement n’alla pas sans faire grand bruit, non seulement dans la houillère, mais aussi dans le comté de Stirling, et, peu après, dans tout le Royaume-Uni. Le renom d’étrangeté de Nell s’en accrut. On aurait trouvé une jeune fille enfermée dans la roche schisteuse, comme un de ces êtres antédiluviens qu’un coup de pic délivre de leur gangue de pierre, que l’affaire n’eût pas eu plus d’éclat.

Sans le savoir, Nell devint fort à la mode. Les gens superstitieux trouvèrent là un nouveau texte à leurs récits légendaires. Ils pensaient volontiers que Nell était le génie de la Nouvelle Aberfoyle, et lorsque Jack Ryan le disait à son camarade Harry :

« Soit, répondait le jeune homme, pour conclure, soit, Jack ! Mais, en tout cas, c’est le bon génie ! C’est celui qui nous a secourus, qui nous a apporté le pain et l’eau, lorsque nous étions emprisonnés dans la houillère ! Ce ne peut être que lui ! Quant au mauvais génie, s’il est resté dans la mine, il faudra bien que nous le découvrions un jour ! »

On le pense bien, l’ingénieur James Starr avait été informé tout d’abord de ce qui s’était passé.

La jeune fille, ayant recouvré ses forces dès le lendemain de son entrée au