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les indes-noires.

— Eh ! Harry ! répondit Jack Ryan, es-tu bien sûr que ces deux mains-là n’appartiennent pas au même corps ?

— Pourquoi, Jack ? D’où peut te venir cette idée ?

— Dame… tu sais… Harry ! Ces êtres, qui vivent dans les abîmes… ne sont pas faits comme nous !

— Ils sont faits comme nous, Jack !

— Eh non ! Harry… non… D’ailleurs, ne peut-on supposer que quelque fou est parvenu à s’introduire…

— Un fou ! répondit Harry ! Un fou qui aurait une telle suite dans les idées ! Un fou, ce malfaiteur qui, depuis le jour où il a rompu les échelles du puits Yarow, n’a cessé de nous faire du mal !

— Mais il n’en fait plus, Harry. Depuis trois ans, aucun acte malveillant n’a été renouvelé ni contre toi, ni contre les tiens !

— Il n’importe, Jack, répondit Harry. J’ai le pressentiment que cet être mauvais, quel qu’il soit, n’a pas renoncé à ses projets. Sur quoi je me fonde pour te parler ainsi, je ne pourrais le dire. Aussi, Jack, dans l’intérêt de la nouvelle exploitation, je veux savoir qui il est et d’où il vient.

— Dans l’intérêt de la nouvelle exploitation ?… demanda Jack Ryan, assez étonné.

— Oui, Jack, reprit Harry. Je ne sais si je m’abuse, mais je vois dans toute cette affaire un intérêt contraire au nôtre. J’y ai souvent songé, et je ne crois pas me tromper. Rappelle-toi la série de ces faits inexplicables, qui s’enchaînent logiquement l’un à l’autre. Cette lettre anonyme, contradictoire de celle de mon père, prouve, tout d’abord, qu’un homme a eu connaissance de nos projets et qu’il a voulu en empêcher l’accomplissement. Monsieur Starr vient nous rendre visite à la fosse Dochart. À peine l’y ai-je introduit, qu’une énorme pierre est lancée sur nous, et que toute communication est aussitôt interrompue par la rupture des échelles du puits Yarow. Notre exploration commence. Une expérience, qui doit révéler l’existence du nouveau gisement, est alors rendue impossible par l’obturation des fissures du schiste. Néanmoins, la constatation s’opère, le filon est trouvé. Nous revenons sur nos pas. Un grand souffle se produit dans l’air. Notre lampe est brisée. L’obscurité se fait autour de nous. Nous parvenons, cependant, à suivre la sombre galerie… Plus d’issue pour en sortir. L’orifice était bouché. Nous étions séquestrés. Eh bien, Jack, ne vois-tu pas dans tout cela une pensée criminelle ? Oui ! un être, insaisissable jusqu’ici, mais non pas surnaturel, comme tu persistes à le croire, était caché dans la houillère. Dans un intérêt que je ne puis comprendre, il cherchait à nous en