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QUELQUES JOURS DE NAVIGATION.

la pointe Beef, le cap Van Diemem après un parcours de soixante-dix à quatre-vingts milles, restaient en arrière. On laissait sur la gauche les récifs des Three-Kings. La mer s’ouvrait librement devant l’étrave jusqu’au fouillis de ces archipels des Tonga, des Hébrides, des Salomon, qui sont compris entre l’Équateur et le Tropique du Capricorne.

Il n’y avait donc plus qu’à mettre le cap au nord-ouest sur les terres de la Nouvelle-Guinée, encore éloignée de dix-neuf cents milles, pour avoir connaissance des Louisiades, et, au delà, des groupes actuellement entrés dans le domaine colonial de l’Allemagne.

Si le vent et la mer le favorisaient, M. Gibson comptait effectuer cette traversée dans le plus court délai. À remonter vers la ligne équinoxiale, les mauvais temps sont moins fréquents, moins redoutables que dans les parages de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. D’autre part, il est vrai, un bâtiment est exposé à des calmes qui peuvent retarder pendant de longs jours la navigation à voile, alors qu’ils rendent si rapide et si sûre la navigation à vapeur. Mais celle-ci est trop coûteuse, et, quand il s’agit du grand et du petit cabotage en ces lointaines mers du Pacifique, mieux vaut user de la toile que de dépenser du charbon.

Quoi qu’il en soit, la brise, faible et intermittente, menaçait de réduire à deux ou trois milles à l’heure la vitesse du brick. Cependant il avait tout dessus, jusqu’à ses voiles d’étai, ses ailes de pigeon, ses bonnettes. Mais si le calme blanc survenait, calme sans un souffle qui puisse rider la surface de la mer, alors que les longues houles bercent un navire et ne le déplacent pas, tout son échafaudage de voilure ne lui servirait à rien. M. Gibson ne pourrait s’aider que des courants qui portent généralement vers le nord en cette portion du Pacifique.

Toutefois, le vent ne tomba pas complètement. Un grand soleil