Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
432
LES FRÈRES KIP

vous n’avez plus à vous occuper d’eux, mon cher Hawkins.

— Si… bien au contraire !…

— Même après cette évasion, vous croyez encore à leur innocence ?…

— Absolument, monsieur le Gouverneur, répondit M. Hawkins du ton d’une inébranlable conviction. Oh ! je m’y attends… on dira que je suis fou… que je refuse de me rendre à l’évidence… que cette fuite, c’est un aveu formel de leur culpabilité… qu’ils ne comptaient pas sur le résultat d’une révision, puisqu’ils se savaient coupables… qu’ils ont préféré s’évader dès que s’est offerte l’occasion de le faire…

— En vérité, déclara le gouverneur, il serait difficile d’interpréter autrement la conduite de vos protégés…

— Eh bien, non… non !… reprit M. Hawkins, cette fuite n’est pas un aveu… Dans tout cela, je le répète, il y a quelque chose d’inexplicable que l’avenir expliquera… Je croirais plutôt… oui !… je croirais que Karl et Pieter Kip ont été enlevés malgré eux…

— Personne ne voudra l’admettre…

— Personne que moi… soit ! Mais cela me suffit, et je n’abandonnerai pas leur cause… Et comment, monsieur le Gouverneur, pourrais-je oublier l’attitude de ces deux infortunés lorsque je les ai visités à Port-Arthur… la résignation de Pieter surtout… leur confiance dans mes démarches… oublier aussi ce qu’ils ont été à bord du James-Cook… oublier ce qu’a fait Karl Kip au pénitencier ?… Je ne les abandonnerai pas, et la vérité éclatera !… Non !… cent fois non !… Karl et Pieter Kip n’ont pas versé le sang du capitaine Gibson !… Ce ne sont pas des assassins !… »

Sir Edward Carrigan ne voulut pas insister davantage ni rien dire qui fût de nature à affliger M. Hawkins. Il se borna à lui communiquer les informations qu’il avait reçues de l’office du port d’Hobart-Town :