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LES FRÈRES KIP

observation de leur chef, il était probable que les constables allaient s’éloigner. Mais l’un d’eux de répondre :

« On peut toujours voir !… Descendons le sentier qui conduit à la grève… Qui sait si tous les trois ne sont pas cachés dans quelque trou ?… »

Tous les trois ?… On ne doutait donc pas à Port-Arthur que Farnham, complice des deux Irlandais, dans cette tentative d’évasion, ne fût alors avec eux ?…

À présent, si les propos s’entendaient moins distinctement, preuve que les constables se dirigeaient vers le sentier, les hurlements des chiens se rapprochèrent.

Une heureuse circonstance allait peut-être empêcher les fugitifs d’être découverts. La mer, haute en ce moment, inondait la grève jusqu’au pied de la falaise, et les dernières ondulations du ressac baignaient l’excavation. Il eût été impossible d’apercevoir l’ouverture à moins de contourner le contrefort de ce côté. Quant à la pointe Saint-James, elle ne montrait plus que ses extrêmes roches sous l’écume du flot. Il faudrait au moins deux heures de jusant pour que la grève redevînt praticable. Aussi n’était-il pas probable que les constables s’attarderaient à cette place, étant pressés de se jeter sur une meilleure piste.

Cependant les chiens aboyaient plus violemment, et sans doute l’instinct les poussait le long de la falaise. L’un d’eux se lança même à travers le tourbillon des lames, mais les autres ne l’imitèrent point.

Presque aussitôt, d’ailleurs, le chef des constables donnait ordre de reprendre le sentier. Bientôt tout ce tumulte, tout ce bruit d’aboiements et de voix diminua. On n’entendit plus que le mugissement de la mer battant à grand fracas le pied de la falaise.