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LES FRÈRES KIP

Le chef des constables ne s’inquiéta pas autrement de les voir s’éloigner dans cette direction sous la surveillance d’un constable, et ils restèrent en cet endroit jusqu’à l’heure où les escouades se formèrent en colonne pour regagner Port-Arthur.

Ainsi que cela a été dit, personne ne s’aperçut alors que ni O’Brien ni Macarthy ni Farnham n’avaient rejoint leurs compagnons. Ce fut seulement après l’appel fait dans la cour du pénitencier que l’on constata leur absence.

Profitant de l’obscurité croissante, les trois fugitifs avaient pu s’éloigner sans être vus. Afin d’éviter une patrouille qui retournait au poste voisin, ils durent se blottir au fond d’un fourré, en ayant soin de ne point se trahir par le cliquetis de la chaîne qu’O’Brien et Macarthy portaient au pied et à la ceinture.

La patrouille passée, tous trois se relevèrent ; puis, s’arrêtant parfois, prêtant l’oreille au moindre bruit, ils parvinrent à gagner la crête de cette falaise, au pied de laquelle s’étendait la pointe de Saint-James.

L’obscurité enveloppait alors toute la presqu’île de Tasman, — obscurité d’autant plus profonde que des nuages très épais, poussés par le vent d’ouest, emplissaient l’espace.

Il était près de six heures et demie lorsque les fugitifs firent halte pour observer la baie.

« Pas de navire ! » dit O’Brien.

Et, en effet, il semblait bien que la baie fût déserte, car, à défaut de sa silhouette, invisible dans l’ombre, un bâtiment eût été signalé par ses feux de bord.

« Farnham, demanda Macarthy, nous sommes bien à la falaise de Saint-James ?…

— Oui…, déclara Farnham, mais je doute qu’une embarcation ait accosté ! »

Et comment eussent-ils osé l’espérer, en entendant la mer mugir