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LES FRÈRES KIP

guère se rencontrer que pendant les matinées et les après-midi du dimanche et des jours fériés.

Cependant l’heure s’avançait. Il importait que les Irlandais fussent seuls à l’instant où leur serait remis le billet de Walter, et, précisément, Farnham, rôdant autour d’eux, semblait ne point les quitter du regard.

Sans doute, il y avait tout lieu de croire que Farnham était dans le secret de la tentative et qu’il devait accompagner les prisonniers dans leur fuite. Mais, enfin, si cette hypothèse reposait sur une erreur, si Farnham surprenait les frères Kip en conversation avec les fenians, tout serait perdu… Et, cependant, non !… Pieter Kip ne s’y trompait pas… Des regards de connivence s’échangeaient entre ces trois hommes, des regards où l’impatience le disputait à l’inquiétude !… Leur trouble ne leur permettait même pas de rester en place.

À cet instant, appelé par le chef des constables, Farnham dut, sur un ordre qu’il reçut, quitter la cour. En passant, il n’avait pas même pu dire un mot à ses compatriotes, dont les appréhensions redoublèrent. Dans la disposition d’esprit où ils se trouvaient, tout leur paraissait suspect. Que voulait-on à Farnham ?… Qui l’avait fait appeler ?… Était-ce le capitaine-commandant à propos du billet ?… Sa complicité était-elle découverte ?…

En proie à une émotion qu’ils ne parvenaient pas à dissimuler, O’Brien et Macarthy firent quelques pas en se dirigeant vers la porte de la cour, comme pour guetter la rentrée de Farnham, se demandant s’ils n’allaient pas être appelés à leur tour…

À l’endroit sombre et désert où ils s’étaient arrêtés, il semblait qu’il n’y eût aucun risque ni d’être vu, ni d’être entendu…

Pieter Kip s’avança d’un pas rapide, rejoignit les Irlandais, et d’un mouvement prompt saisit la main d’O’Brien que celui-ci voulut tout d’abord retirer…