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LES FENIANS.

Personne n’aurait remarqué qu’il traitât O’Brien et Macarthy avec quelque indulgence. Il est vrai, tous deux se soumettaient sans protester à la rude discipline du pénitencier, et Farnham n’eut jamais l’occasion de sévir en ce qui les concernait.

D’autre part, en plusieurs occasions, il n’avait pu échapper aux frères Kip que ce constable se distinguait des autres par des manières moins communes, moins grossières. Toutefois cette observation ne les avait pas conduits à penser que Farnham se disposait à jouer un rôle. D’ailleurs, ils n’avaient jamais appartenu à l’escouade que celui-ci dirigeait, et ils le rencontraient à peine depuis leur entrée dans les bureaux.

S’ils apprirent ce qui concernait les O’Brien et Macarthy, ce fut par les pièces qu’ils eurent à compulser, les états du personnel de Port-Arthur passant par leurs mains. C’est ainsi que la cause de la condamnation des deux fenians leur fut révélée, — condamnation purement politique, qui leur imposait l’abominable promiscuité des plus vils criminels.

Et alors Karl Kip de dire à son frère, lorsqu’ils surent ce qu’étaient O’Brien et Macarthy :

« Voilà donc pourquoi ils ont refusé la main que nous leur tendions !…

— Et je le comprends, répondit Pieter Kip.

— Oui… frère… nous ne sommes pour eux que des condamnés à mort, des assassins, auxquels on a daigné épargner la potence !…

— Pauvres gens ! reprit Pieter Kip, en songeant aux deux Irlandais renfermés dans ce bagne…

— Nous y sommes bien !… s’écria Karl Kip dans un de ces mouvements de colère qu’il ne pouvait contenir, et dont son frère redoutait toujours les conséquences.

— Sans doute, répondit Pieter, mais nous sommes, nous, les victimes d’une erreur judiciaire qui sera réparée un jour, tandis que