Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
367
ENSEMBLE.

capitaine-- valait cela ?… S’être jeté sur un chien au risque de quelques morsures, qui n’en eût fait autant ?… Les frères Kip eurent donc à se défendre contre ces brutes, et il ne fallut pas moins que la vigueur de Karl pour les mettre à la raison.

Cependant, au milieu de ce ramassis de galériens avec lesquels ils vivaient dans les salles communes, deux convicts avaient pris fait et cause pour eux, et les défendaient contre les violences de leurs compagnons.

C’étaient deux hommes de trente-cinq à quarante ans, deux Irlandais, nommés l’un O’Brien, l’autre Macarthy. Pour quel crime ils avaient été condamnés, jamais ils ne s’étaient expliqués là-dessus. Autant que possible, ils se tenaient toujours à l’écart, et, doués d’une force exceptionnelle, ils avaient su imposer le respect pour leur personne. Assurément, ce n’étaient point de vulgaires condamnés, et ils avaient reçu une instruction supérieure à celle des hôtes ordinaires des bagnes. Aussi, révoltés sans doute de voir leurs compagnons se mettre une vingtaine contre les frères Kip, ils les avaient aidés à se protéger contre leurs odieuses brutalités.

Il était donc à prévoir, bien que ces Irlandais fussent très sombres, très farouches, d’un caractère peu communicatif, qu’une certaine intimité se serait établie entre eux et les frères Kip, lorsqu’une nouvelle décision de l’administration ne leur laissa plus que de rares occasions de se rencontrer dans la vie courante de Port-Arthur.

En effet, M. Skirtle n’avait pas tardé à connaître la conduite de quelques-uns des convicts, et des plus intraitables. Il sut que Karl et Pieter Kip avaient été l’objet d’attaques personnelles, et qu’ils étaient exposés aux pires traitements, lorsque la nuit les réunissait dans les mêmes dortoirs que leurs compagnons de bagne.

D’autre part, Mme  Skirtle, qui n’avait point cessé de s’intéresser