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IX

ensemble.


Karl Kip, après avoir été transporté dans la voiture du capitaine-commandant au pénitencier de Port-Arthur, fut déposé dans une des salles de l’infirmerie où son frère, autorisé à rester près de lui, ne tarda pas à le rejoindre.

De quels sentiments de reconnaissance envers cet homme devaient être pénétrés M. et Mme  Skirtle ! Grâce à son courage, la plus horrible des morts avait été épargnée à leur fils ! Au premier moment, dans un irrésistible élan de cœur, le jeune garçon s’était jeté aux genoux de son père, répétant d’une voix coupée de sanglots :

« Grâce pour lui… père… grâce pour lui ! »

Mme  Skirtle s’était unie à son fils, et tous deux suppliaient le capitaine, comme s’il eût pu faire droit à leur demande, comme s’il eût été le maître de rendre la liberté à Karl Kip !

Et, d’ailleurs, pouvait-on oublier pour quel crime les deux frères, après une peine capitale, étaient enfermés à perpétuité dans le bagne de Port-Arthur ?… Ne sachant rien des manœuvres de Flig Balt et de Vin Mod, comment M. Skirtle eût-il mis en doute la culpabilité des condamnés ?… De ce que l’un d’eux venait, en risquant sa vie, de sauver celle du jeune garçon, n’en étaient-ils pas moins les assassins d’Harry Gibson et châtiés comme tels ?… Cet acte de dévouement, si beau qu’il fût, pouvait-il racheter un aussi épouvantable forfait ?…