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LES FRÈRES KIP

aux peines les plus graves, qui deviennent les hôtes du bagne et, sous la direction des constables, sont employés aux travaux de force, et particulièrement à l’établissement des routes ; 2° les condamnés pour fautes plus légères, — les magistrats anglais ont souvent la main lourde, — qui obtiennent la faveur d’entrer au service des colons sans aucun salaire, mais à la condition d’être convenablement logés, nourris suivant la ration réglementaire, mis à même de remplir chaque dimanche leurs devoirs religieux ; 3° les condamnés qui, grâce à leur bonne conduite, ont la liberté de travailler pour leur compte, et, de ceux-là, il en est quelques-uns qui sont arrivés à la fortune, à l’indépendance. Il est vrai, en dépit des efforts tentés par les gouverneurs, aucun d’eux ne peut reprendre rang dans la société des hommes libres.

Telles furent donc les premières mesures adoptées au début de la colonie pour l’organisation pénale, et telles étaient les différentes catégories de convicts, aussi bien hommes que femmes. D’après ce que note Dumont d’Urville, lors de son arrivée en Tasmanie, vers 1840, les peines infligées étaient graduées ainsi qu’il suit suivant la gravité des délits : réprimande, condamnation à tourner la roue d’un moulin pendant un temps limité, travaux forcés le jour et emprisonnement solitaire la nuit, travaux forcés sur les grands chemins, travaux forcés dans les escouades enchaînées, envoi à l’établissement pénal de Port-Arthur.

À propos de ce dernier établissement, il convient de rappeler qu’en 1768 un pénitencier avait été fondé sur l’île Norfolk, — cette île où furent recueillis par le James-Cook Karl et Pieter Kip, les naufragés de la Wilhelmina. Mais, dès 1805, le gouvernement le fit évacuer, parce que, faute de port, il était très difficile d’y débarquer. L’île, cependant, redevint plus tard siège de colonie pénale, et c’est là que l’administration déportait les criminels les plus redoutables de la Tasmanie et de la Nouvelle-Galles du Sud.