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L’ASSASSINAT.

Le corps était dans l’état où les meurtriers l’avaient laissé, étendu sur le sol, les yeux toujours démesurément ouverts, comme si la vie ne l’eût pas encore quitté.

Nat Gibson s’agenouilla près de son père. Il l’embrassait, l’appelait, et appelait aussi sa mère… Lorsque Mme Gibson apprendrait cet horrible malheur, y survivrait-elle, la malheureuse femme !…

Cependant M. Hamburg, auquel incombait le soin de faire une enquête, examinait les traces laissées sur l’herbe, et il crut reconnaître, à des empreintes de pas récentes, que le meurtre avait eu deux hommes pour auteurs. Puis, après avoir entr’ouvert les vêtements de M. Gibson, il constata à la poitrine une plaie produite par une lame dentelée, plaie ayant peu saigné. Quant à l’argent et aux papiers que portait le capitaine, ils avaient disparu.

Il était donc certain que le vol avait été le mobile du crime. Mais qui l’avait commis ?… Quelque colon de Kerawara ?… Cela semblait tout d’abord douteux… N’étaient-ce pas plutôt des indigènes ?… et, en réalité, ils sont assez suspects… Mais comment et où découvrir les assassins ?… Le meurtre accompli, n’avaient-ils pas immédiatement quitté Kerawara sur leur pirogue pour regagner bile d’York ?… En quelques heures, ils avaient pu se mettre à l’abri de toute poursuite…

Il était donc probable que ce crime demeurerait impuni, comme tant d’autres dont ces parages, depuis la Nouvelle-Guinée jusqu’à l’archipel des Salomon, ont été le théâtre.

À présent, il fallait transporter le corps à la factorerie. M. Hamburg avait fait apporter une civière, sur laquelle on déposa le mort. Puis tous, Nat Gibson au bras de M. Hawkins, reprirent le chemin du port.

Le cadavre fut placé dans une salle du comptoir, en attendant que M. Hamburg eût terminé son enquête. Quant à l’inhumation, cette triste cérémonie s’accomplirait dès le lendemain,