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LES FRÈRES KIP

Celui-ci l’eut bientôt tiré d’embarras, en répétant, la bouche grande ouverte :

« Wobba… wobba ! »

Ce mot, M. Gibson le traduisit par : « À boire ! à boire !… » et il fit monter de la cambuse une bouteille de wisky.

Le capitan la prit, s’assura qu’elle était pleine du liquide blanchâtre qu’il connaissait bien, et, sans la déboucher, il la mit sous son bras. Puis, le voici qui arpente le pont du brick de l’avant à l’arrière, regardant moins l’acastillage et les agrès que les matelots, les passagers et le capitaine. On eût dit qu’il cherchait à se rendre compte du nombre de personnes qui se trouvaient à bord. C’est ce que crut remarquer Karl Kip, et il en toucha un mot à son frère.

Nat Gibson eut alors l’idée de photographier ce type. Non point qu’il songeât à lui faire cadeau de son portrait, car le temps lui aurait manqué pour obtenir l’épreuve. Il voulait enrichir sa collection en y introduisant un Papoua authentique.

« C’est une bonne idée, dit M. Hawkins ; mais comment empêcher ce diable-là de bouger ?…

— Essayons », répondit Nat Gibson.

Il prit donc l’indigène par le bras afin de le conduire à l’arrière. Et comme celui-ci, ne comprenant pas ce qu’on attendait de lui, opposait quelque résistance :

« Assaï », lui dit M. Gibson.

Ce mot est le vocatif du verbe « venir » dans le langage papouasien, et le capital ? y répondit en se dirigeant vers le rouf. Nat Gibson apporta son appareil à barrière et le disposa sur le trépied. Puis, avant de le braquer sur le sauvage, il chercha à placer celui-ci dans une pose convenable de manière à obtenir un bon cliché.

Mais le capitan, fort agité, fort démonstratif, se mit à remuer la