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LES DEUX FRÈRES.

— Les premiers jours, répondit le plus jeune, il a fallu s’en passer… Pas d’allumettes, ou plutôt des allumettes mouillées et hors d’usage… Par bonheur, en remontant vers la montagne, nous avons trouvé une solfatare qui jette encore quelques flammes… Des couches de soufre l’entouraient, ce qui nous a permis de cuire les racines et les légumes.

— Et c’est ainsi, reprit le capitaine, que vous avez vécu pendant quinze jours ?…

— C’est ainsi, capitaine, Mais, je l’avoue, nos forces s’en allaient, et nous étions désespérés, lorsque, en revenant hier de la solfatare, j’ai aperçu un navire mouillé à deux milles de la côte.

— Le vent avait refusé, dit M. Gibson, et comme le courant menaçait de nous ramener vers le sud-est, je fus obligé de jeter l’ancre.

— Il était déjà tard, reprît l’ainé. À peine restait-il une heure de jour, et nous étions encore à plus d’une demi-lieue dans l’intérieur… Après avoir couru à toutes jambes vers la pointe, nous aperçûmes un canot qui se préparait à regagner le brick… J’ai appelé… J’ai, par gestes, réclamé secours…

— J’étais dans ce canot, dit alors Nat Gibson, et il m’a bien semblé voir un homme — rien qu’un — sur cette roche, au moment où l’obscurité commençait à se faire…

— C’était moi, répondit l’aîné. J’avais devancé mon frère… et quelle fut ma déception lorsque le canot s’éloigna sans que j’eusse été aperçu !… Nous avons cru que toute chance de salut nous échappait !… Il se levait un peu de brise… Le brick n’allait-il pas appareiller pendant la nuit ?… Le lendemain ne serait-il pas déjà au large de l’île ?…

— Pauvres gens !… murmura M. Gibson.

— La côte était plongée dans l’ombre, capitaine… On ne voyait plus rien du navire… Les heures s’écoulaient… C’est alors que