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LES FRÈRES KIP

— Oui, Nat ? et même incroyables ! Ou les convicts parvenaient à s’emparer de quelque embarcation de l’État, ou ils en construisaient secrètement avec des lambeaux d’écorce, et ils n’hésitaient pas à gagner le large…

— Ayant quatre-vingt-dix chances sur cent de périr, déclara M. Gibson.

— Sans doute, répondit M. Hawkins. Aussi, lorsqu’ils rencontraient dans les eaux de l’île quelque navire comme le nôtre, ils avaient bientôt fait de sauter à bord et de se débarrasser de l’équipage… Puis ils s’en allaient pirater à travers les archipels polynésiens, où il n’était pas aisé de retrouver leurs traces…

— Enfin, cela n’est plus à craindre maintenant affirma le capitaine Gibson.

On le remarquera, tout ce que venait de dire M. Hawkins, et ce qui était vrai, coïncidait avec les projets formés par Flig Balt et Vin Mod. Bien qu’ils ne fussent pas enfermés à l’île Norfolk, ils avaient les criminels instincts des convicts ; ils ne demandaient qu’à faire ce que ceux-ci eussent fait à leur place, à changer l’honnête brick de la maison Hawkins, de Hobart-Town, en un bâtiment de pirates, puis à exercer leurs brigandages précisément au milieu des parages du Pacifique central, où il est si difficile de les réprimer.

Donc, si le James-Cook n’avait plus rien à redouter actuellement aux approches de l’île Norfolk, puisque le pénitencier avait été transporté à Port-Arthur, il n’en était pas moins menacé par la présence des recrues de Dunedin, résolues à seconder les desseins de Vin Mod et du maître d’équipage.

« Eh bien, dit alors Nat Gibson, il n’y a pas de danger, père, me permets-tu de prendre le canot ?…

— Et que veux-tu faire ?…

— Pêcher au pied des roches… Nous avons encore deux heures