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cette nature n’était parvenu ni au consul, ni à ses collègues des autres nations. Glenarvan ne se découragea pas. Il revint à Talcahuano, et n’épargnant ni démarches, ni soins, ni argent, il expédia des agents sur les côtes. Vaines recherches. Les enquêtes les plus minutieuses faites chez les populations riveraines ne produisirent pas de résultat. Il fallut en conclure que le Britannia n’avait laissé aucune trace de son naufrage.

Glenarvan instruisit alors ses compagnons de l’insuccès de ses démarches. Mary Grant et son frère ne purent contenir l’expression de leur douleur. C’était six jours après l’arrivée du Duncan à Talcahuano. Les passagers se trouvaient réunis dans la dunette. Lady Helena consolait, non par ses paroles — qu’aurait-elle pu dire ? — mais par ses caresses les deux enfants du capitaine. Jacques Paganel avait repris le document, et il le considérait avec une profonde attention, comme s’il eût voulu lui arracher de nouveaux secrets. Depuis une heure, il l’examinait ainsi, lorsque Glenarvan, l’interpellant, lui dit :

« Paganel ! je m’en rapporte à votre sagacité. Est-ce que l’interprétation que nous avons faite de ce document est erronée ? Est-ce que le sens de ces mots est illogique ? »

Paganel ne répondit pas. Il réfléchissait.

« Est-ce que nous nous trompons sur le théâtre présumé de la catastrophe ? reprit Glenarvan. Est-ce que le nom de Patagonie ne saute pas aux yeux des gens les moins perspicaces ? »

Paganel se taisait toujours.

« Enfin, dit Glenarvan, le mot Indien ne vient-il pas encore nous donner raison ?

— Parfaitement, répondit Mac Nabbs.

— Et, dès lors, n’est-il pas évident que les naufragés, au moment où ils écrivaient ces lignes, s’attendaient à devenir prisonniers des Indiens ?

— Je vous arrête là, mon cher lord, répondit enfin Paganel, et si vos autres conclusions sont justes, la dernière, du moins, ne me paraît pas rationnelle.

— Que voulez-vous dire ? demanda lady Helena, tandis que tous les regards se fixaient sur le géographe.

— Je veux dire, répondit Paganel, en accentuant ses paroles, que le capitaine Grant est maintenant prisonnier des Indiens, et j’ajouterai que le document ne laisse aucun doute sur cette situation.

— Expliquez-vous, Monsieur, dit miss Grant.

— Rien de plus facile, ma chère Mary ; au lieu de lire sur le document seront prisonniers, lisons sont prisonniers, et tout devient clair.

— Mais cela est impossible ! répondit Glenarvan.