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du capitaine grant.

ment la mer phosphorescente et le sillage lumineux du Duncan. Mary songeait à l’avenir de Robert ; Robert songeait à l’avenir de sa sœur. Tous deux pensaient à leur père. Existait-il encore, ce père adoré ? Fallait-il donc renoncer ? Mais non, sans lui, que serait la vie ? Sans lui que deviendraient-ils ? Que seraient-ils devenus déjà sans lord Glenarvan, sans lady Helena ?

Le jeune garçon, mûri par l’infortune, devinait les pensées qui agitaient sa sœur. Il prit la main de Mary dans la sienne.

« Mary, lui dit-il, il ne faut jamais désespérer. Rappelle-toi les leçons que nous donnait notre père : « Le courage remplace tout ici-bas, » disait-il. Ayons-le donc, ce courage obstiné, qui le faisait supérieur à tout. Jusqu’ici tu as travaillé pour moi, ma sœur, je veux travailler pour toi à mon tour.

— Cher Robert ! répondait la jeune fille.

— Il faut que je t’apprenne une chose, reprit Robert. Tu ne te fâcheras pas, Mary ?

— Pourquoi me fâcherais-je, mon enfant ?

— Et tu me laisseras faire ?

— Que veux-tu dire ? demanda Mary, inquiète.

— Ma sœur ! Je serai marin...

— Tu me quitteras ? s’écria la jeune fille, en serrant la main de son frère.

— Oui, sœur ! Je serai marin comme mon père, marin comme le capitaine John ! Mary, ma chère Mary ! Le capitaine John n’a pas perdu tout espoir, lui ! Tu auras, comme moi, confiance dans son dévouement ! Il fera de moi, il me l’a promis, un bon, un grand marin, et jusque-là, nous chercherons notre père ensemble ! Dis que tu le veux, sœur ? Ce que notre père eût fait pour nous, notre devoir, le mien du moins, est de le faire pour lui ! Ma vie a un but auquel elle est due tout entière : chercher, chercher toujours celui qui ne nous eût jamais abandonnés l’un ou l’autre ! Chère Mary, qu’il était bon, notre père !

— Et si noble, si généreux ! reprit Mary. Sais-tu, Robert, qu’il était déjà une des gloires de notre pays et qu’il aurait compté parmi ses grands hommes, si le sort ne l’eût arrêté dans sa marche !

— Si je le sais ! » dit Robert.

Mary Grant serra Robert sur son cœur. Le jeune enfant sentit que des larmes coulaient sur son front.

« Mary ! Mary ! s’écria-t-il, ils ont beau dire, nos amis, ils ont beau se taire, j’espère encore et j’espérerai toujours ! Un homme comme mon père ne meurt pas avant d’avoir accompli sa tâche ! »