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du capitaine grant.

— Voulez-vous m’indiquer où s’est échoué le Britannia ?

— Pas davantage.

— Ayrton, répondit Glenarvan d’un ton presque suppliant, voulez-vous au moins, si vous savez où est Harry Grant, l’apprendre à ses pauvres enfants qui n’attendent qu’un mot de votre bouche ? »

Ayrton hésita. Ses traits se contractèrent. Mais d’une voix basse :

« Je ne puis, mylord, » murmura-t-il.

Et il ajouta avec violence, comme s’il se fût reproché un instant de faiblesse :

« Non ! je ne parlerai pas ! Faites-moi pendre si vous voulez !

— Pendre ! » s’écria Glenarvan, dominé par un brusque mouvement de colère.

Puis, se maîtrisant, il répondit d’une voix grave :

« Ayrton, il n’y a ici ni juges ni bourreaux. À la première relâche vous serez remis entre les mains des autorités anglaises.

— C’est ce que je demande ! » répliqua le quartier-maître.

Puis il retourna d’un pas tranquille à la cabine qui lui servait de prison, et deux matelots furent placés à sa porte, avec ordre de surveiller ses moindres mouvements. Les témoins de cette scène se retirèrent indignés et désespérés.

Puisque Glenarvan venait d’échouer contre l’obstination d’Ayrton, que lui restait-il à faire ? Évidemment poursuivre le projet formé à Éden de retourner en Europe, quitte à reprendre plus tard cette entreprise frappée d’insuccès, car alors les traces du Britannia semblaient être irrévocablement perdues, le document ne se prêtait à aucune interprétation nouvelle, tout autre pays manquait même sur la route du trente-septième parallèle, et le Duncan n’avait plus qu’à revenir.

Glenarvan, après avoir consulté ses amis, traita plus spécialement avec John Mangles la question du retour. John inspecta ses soutes ; l’approvisionnement de charbon devait durer quinze jours au plus. Donc, nécessité de refaire du combustible à la plus prochaine relâche.

John proposa à Glenarvan de mettre le cap sur la baie de Talcahuano, où le Duncan s’était déjà ravitaillé avant d’entreprendre son voyage de circumnavigation. C’était un trajet direct et précisément sur le trente-septième degré. Puis le yacht, largement approvisionné, irait au sud doubler le cap Horn, et regagnerait l’Écosse par les routes de l’Atlantique.

Ce plan adopté, ordre fut donné à l’ingénieur de forcer sa pression. Une demi-heure après, le cap était mis sur Talcahuano par une mer digne de son nom de Pacifique, et à six heures du soir, les dernières montagnes de la Nouvelle-Zélande disparaissaient dans les chaudes brumes de l’horizon.