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Chemin faisant, ils furent étonnés de surprendre à de petits intervalles comme un certain frémissement du sol. Ce n’était pas une agitation, mais cette vibration continue qu’éprouvent les parois d’une chaudière à la poussée de l’eau bouillante. De violentes vapeurs, nées de l’action des feux souterrains, étaient évidemment emmagasinées sous l’enveloppe de la montagne.

Cette particularité ne pouvait émerveiller des gens qui venaient de passer entre les sources chaudes du Waikato. Ils savaient que cette région centrale d’Ika-Na-Maoui est essentiellement volcanique. C’est un véritable tamis dont le tissu laisse transpirer les vapeurs de la terre par les sources bouillantes et les solfatares.

Paganel, qui l’avait déjà observée, appela donc l’attention de ses amis sur la nature volcanique de la montagne. Le Maunganamu n’était que l’un de ces nombreux cônes qui hérissent la portion centrale de l’île, c’est-à-dire un volcan de l’avenir. La moindre action mécanique pouvait déterminer la formation d’un cratère dans ses parois faites d’un tuf siliceux et blanchâtre.

« En effet, dit Glenarvan, mais nous ne sommes pas plus en danger ici qu’auprès de la chaudière du Duncan. C’est une tôle solide que cette croûte de terre !

— D’accord, répondit le major, mais une chaudière, si bonne qu’elle soit, finit toujours par éclater, après un trop long service.

— Mac Nabbs, reprit Paganel, je ne demande pas à rester sur ce cône. Que le ciel me montre une route praticable, et je le quitte à l’instant.

— Ah ! pourquoi ce Maunganamu ne peut-il nous entraîner lui-même, répondit John Mangles, puisque tant de puissance mécanique est renfermée dans ses flancs. Il y a peut-être, sous nos pieds, la force de plusieurs millions de chevaux, stérile et perdue ! Notre Duncan n’en demanderait pas la millième partie pour nous porter au bout du monde ! »

Ce souvenir du Duncan, évoqué par John Mangles, eut pour effet de ramener les pensées les plus tristes dans l’esprit de Glenarvan ; car, si désespérée que fût sa propre situation, il l’oubliait souvent pour gémir sur le sort de son équipage.

Il y songeait encore, quand il retrouva au sommet du Maunganamu ses compagnons d’infortune.

Lady Helena, dès qu’elle l’aperçut, vint à lui.

« Mon cher Edward, dit-elle, vous avez reconnu notre position ? Devons-nous espérer ou craindre ?

— Espérer, ma chère Helena, répondit Glenarvan. Les indigènes ne franchiront jamais la limite de la montagne, et le temps ne nous manquera pas pour former un plan d’évasion.