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du capitaine grant.

Ils arrivèrent devant le chef zélandais. Celui-ci ne fit pas attendre son jugement :

« Tu as tué Kara-Tété ? dit-il à Glenarvan.

— Je l’ai tué, répondit le lord.

— Demain, tu mourras au soleil levant.

— Seul ? demanda Glenarvan, dont le cœur battait avec violence.

— Ah ! si la vie de notre Tohonga n’était pas plus précieuse que la vôtre ! » s’écria Kai-Koumou, dont les yeux exprimaient un regret féroce !

En ce moment, une agitation se produisit parmi les indigènes. Glenarvan jeta un regard rapide autour de lui. Bientôt la foule s’ouvrit, et un guerrier parut, ruisselant de sueur, brisé de fatigue.

Kai-Koumou, dès qu’il l’aperçut, lui dit en anglais, avec l’évidente intention d’être compris des captifs :

« Tu viens du camp des Pakékas ?

— Oui, répondit le Maori.

— Tu as vu le prisonnier, notre Tohonga ?

— Je l’ai vu.

— Il est vivant ?

— Il est mort ! Les Anglais l’ont fusillé ! »

C’en était fait de Glenarvan et de ses compagnons.

« Tous, s’écria Kai-Koumou, vous mourrez demain au lever du jour ! »

Ainsi donc, un châtiment commun frappait indistinctement ces infortunés. Lady Helena et Mary Grant levèrent vers le Ciel un regard de sublime remerciement.

Les captifs ne furent pas reconduits au Waré-Atoua. Ils devaient assister pendant cette journée aux funérailles du chef et aux sanglantes cérémonies qui les accompagnent. Une troupe d’indigènes les conduisit à quelques pas au pied d’un énorme koudi. Là, leurs gardiens demeurèrent auprès d’eux sans les perdre de vue. Le reste de la tribu maorie, absorbée dans sa douleur officielle, semblait les avoir oubliés.

Les trois jours réglementaires s’étaient écoulés depuis la mort de Kara-Tété. L’âme du défunt avait donc définitivement abandonné sa dépouille mortelle. La cérémonie commença.

Le corps fut apporté sur un petit tertre, au milieu du retranchement. Il était revêtu d’un somptueux costume et enveloppé d’une magnifique natte de phormium. Sa tête, ornée de plumes, portait une couronne de feuilles vertes. Sa figure, ses bras et sa poitrine, frottés d’huile, n’accusaient aucune corruption.