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vouement, abandonnèrent le yacht et se rendirent à Saint-Mungo, la vieille cathédrale de Glasgow. Cette antique église, restée intacte au milieu des ruines causées par la réforme et si merveilleusement décrite par Walter Scott, reçut sous ses voûtes massives les passagers et les marins du Duncan. Une foule immense les accompagnait. Là, dans la grande nef, pleine de tombes comme un cimetière, le révérend Morton implora les bénédictions du ciel et mit l’expédition sous la garde de la Providence. Il y eut un moment où la voix de Mary Grant s’éleva dans la vieille église. La jeune fille priait pour ses bienfaiteurs et versait devant Dieu les douces larmes de la reconnaissance. Puis, l’assemblée se retira sous l’empire d’une émotion profonde.

À onze heures, chacun était rentré à bord. John Mangles et l’équipage s’occupaient des derniers préparatifs.

À minuit, les feux furent allumés ; le capitaine donna l’ordre de les pousser activement, et bientôt des torrents de fumée noire se mêlèrent aux brumes de la nuit. Les voiles du Duncan avaient été soigneusement renfermées dans l’étui de toile qui servait à les garantir des souillures du charbon, car le vent soufflait du sud-ouest et ne pouvait favoriser la marche du navire.

À deux heures, le Duncan commença à frémir sous la trépidation de ses chaudières ; le manomètre marqua une pression de quatre atmosphères ; la vapeur surchauffée siffla par les soupapes ; la marée était étale ; le jour permettait déjà de reconnaître les passes de la Clyde entre les balises et les biggings[1] dont les fanaux s’effaçaient peu à peu devant l’aube naissante. Il n’y avait plus qu’à partir.

John Mangles fit prévenir lord Glenarvan, qui monta aussitôt sur le pont.

Bientôt le jusant se fit sentir ; le Duncan lança dans les airs de vigoureux coups de sifflet, largua ses amarres, et se dégagea des navires environnants ; l’hélice fut mise en mouvement et poussa le yacht dans le chenal de la rivière. John n’avait pas pris de pilote ; il connaissait admirablement les passes de la Clyde, et nul pratique n’eût mieux manœuvré à son bord. Le yacht évoluait sur un signe de lui ; de la main droite il commandait à la machine, de la main gauche, au gouvernail, silencieusement et sûrement. Bientôt les dernières usines firent place aux villas élevées çà et là sur les collines riveraines, et les bruits de la ville s’éteignirent dans l’éloignement.

Une heure après, le Duncan rasa les rochers de Dumbarton ; deux

  1. Petits monticules de pierre qui marquent le chenal de la Clyde.