Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/383

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Maintenant, la station d’Hottam l’emportait en étendue et en affaires. Les deux jeunes gens étaient squatters et settlers tout à la fois. Ils administraient avec une rare habileté, et, ce qui est plus difficile, avec une énergie peu commune, leur immense propriété.

On le voit, cette station se trouvait reportée à une grande distance des principales villes, au milieu des déserts peu fréquentés du Murray. Elle occupait l’espace compris entre 146° 48’ et 147°, c’est-à-dire un terrain long et large de cinq lieues, situé entre les Buffalos-Ranges et le mont Hottam. Aux deux angles nord de ce vaste quadrilatère se dressaient à gauche le mont Aberdeen, à droite les sommets du High-Barven. Les eaux belles et sinueuses n’y manquaient pas, grâce aux creeks et affluents de l’Oven’s-River, qui se jette au nord dans le lit du Murray. Aussi, l’élève du bétail et la culture du sol y réussissaient également. Dix mille acres de terre, admirablement assolés et aménagés, mêlaient les récoltes indigènes aux productions exotiques, tandis que plusieurs millions d’animaux s’engraissaient dans les verdoyants pâturages. Aussi, les produits de Hottam-Station étaient-ils cotés à de hauts cours sur les marchés de Castlemaine et de Melbourne.

Michel et Sandy Patterson achevaient de donner ces détails de leur industrieuse existence quand, à l’extrémité d’une avenue de casuarinas, apparut l’habitation.

C’était une charmante maison de bois et de briques, enfouie sous des bouquets d’émérophilis. Elle avait la forme élégante du chalet, et une vérandah à laquelle pendaient des lampes chinoises contournait le long des murs comme un impluvium antique. Devant les fenêtres se déployaient des bannes multicolores qui semblaient être en fleurs. Rien de plus coquet, rien de plus délicieux au regard, mais aussi rien de plus confortable. Sur les pelouses et dans les massifs groupés aux alentours poussaient des candélabres de bronze, qui supportaient d’élégantes lanternes ; à la nuit tombante, tout ce parc s’illuminait des blanches lumières du gaz, venu d’un petit gazomètre, caché sous des berceaux de myalls et de fougères arborescentes.

D’ailleurs, on ne voyait ni communs, ni écuries, ni hangars, rien de ce qui indique une exploitation rurale. Toutes ces dépendances, — un véritable village composé de plus de vingt huttes et maisons, — étaient situées à un quart de mille, au fond d’une petite vallée. Des fils électriques mettaient en communication instantanée le village et la maison des maîtres. Celle-ci, loin de tout bruit, semblait perdue dans une forêt d’arbres exotiques.

Bientôt, l’avenue des casuarinas fut dépassée. Un petit pont de fer d’une élégance extrême, jeté sur un creek murmurant, donnait accès dans le parc