Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/373

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais il est prisonnier ? dit Mary Grant.

— Et surveillé, ajouta Ayrton, de façon à ne pouvoir faire un pas, ni jour ni nuit !

— Cependant, vous êtes parvenu à vous échapper, Ayrton, dit le major, qui vint se mêler à la conversation.

— Oui, monsieur Mac Nabbs, à la faveur d’un combat entre ma tribu et une peuplade voisine. J’ai réussi. Bien. Je ne le regrette pas. Mais si c’était à refaire, je préférerais, je crois, un éternel esclavage aux tortures que j’ai éprouvées en traversant les déserts de l’intérieur. Dieu garde le capitaine Grant de tenter une pareille chance de salut !

— Oui, certes, répondit John Mangles, nous devons désirer, miss Mary, que votre père soit retenu dans une tribu indigène. Nous trouverons ses traces plus aisément que s’il errait dans les forêts du continent.

— Vous espérez toujours ? demanda la jeune fille.

— J’espère toujours, miss Mary, vous voir heureuse un jour, avec l’aide de Dieu ! »

Les yeux humides de Mary Grant purent seuls remercier le jeune capitaine.

Pendant cette conversation, un mouvement inaccoutumé s’était produit parmi les sauvages ; ils poussaient des cris retentissants ; ils couraient dans diverses directions ; ils saisissaient leurs armes et semblaient pris d’une fureur farouche.

Glenarvan ne savait où ils voulaient en venir, quand le major, interpellant Ayrton, lui dit :

« Puisque vous avez vécu pendant longtemps chez les Australiens, vous comprenez sans doute le langage de ceux-ci ?

— À peu près, répondit le quartier-maître, car, autant de tribus, autant d’idiomes. Cependant, je crois deviner que, par reconnaissance, ces sauvages veulent montrer à Son Honneur le simulacre d’un combat. »

C’était en effet la cause de cette agitation. Les indigènes, sans autre préambule, s’attaquèrent avec une fureur parfaitement simulée, et si bien même, qu’à moins d’être prévenu on eût pris au sérieux cette petite guerre. Mais les Australiens sont des mimes excellents, au dire des voyageurs, et, en cette occasion, ils déployèrent un remarquable talent.

Leurs instruments d’attaque et de défense consistaient en un casse-tête, sorte de massue de bois qui a raison des crânes les plus épais, et une espèce de « tomahawk, » pierre aiguisée très-dure, fixée entre deux bâtons par une gomme adhérente. Cette hache a une poignée longue de dix pieds. C’est un redoutable instrument de guerre, et un utile instru-