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mensonge s’affirme par la précision des détails. Mac Nabbs réserva donc son opinion, et s’abstint de se prononcer.

Quant à John Mangles, ses doutes ne résistèrent pas longtemps aux paroles du matelot, et il le tint pour un vrai compagnon du capitaine Grant, quand il l’eut entendu parler de son père à la jeune fille. Ayrton connaissait parfaitement Mary et Robert. Il les avait vus à Glasgow au départ du Britannia. Il rappela leur présence à ce déjeuner d’adieu donné à bord aux amis du capitaine. Le shérif Mac Intyre y assistait. On avait confié Robert, — il avait dix ans à peine, — aux soins de Dick Turner, le maître d’équipage, et il lui échappa pour grimper aux barres du perroquet.

« C’est vrai, c’est vrai, » disait Robert Grant.

Et Ayrton rappelait ainsi mille petits faits, sans paraître y attacher l’importance que leur donnait John Mangles. Et quand il s’arrêtait, Mary lui disait de sa douce voix :

« Encore, monsieur Ayrton, parlez-nous encore de notre père ! »

Le quartier-maître satisfit de son mieux aux désirs de la jeune fille. Glenarvan ne voulait pas l’interrompre, et cependant, vingt questions plus utiles se pressaient dans son esprit ; mais lady Helena, lui montrant la joyeuse émotion de Mary, arrêtait ses paroles.

Ce fut dans cette conversation qu’Ayrton raconta l’histoire du Britannia et son voyage à travers les mers du Pacifique. Mary Grant en connaissait une grande partie, puisque les nouvelles du navire allaient jusqu’au mois de mai de l’année 1862. Pendant cette période d’un an, Harry Grant atterrit aux principales terres de l’Océanie. Il toucha aux Hébrides, à la Nouvelle-Guinée, à la Nouvelle-Zélande, à la Nouvelle-Calédonie, se heurtant à des prises de possession souvent peu justifiées, subissant le mauvais vouloir des autorités anglaises, car son navire était signalé dans les colonies britanniques. Cependant il avait trouvé un point important sur la côte occidentale de la Papouasie ; là l’établissement d’une colonie écossaise lui parut facile, et sa prospérité assurée ; en effet, un bon port de relâche sur la route des Moluques et des Philippines devait attirer des navires, surtout quand le percement de l’isthme de Suez aurait supprimé la voie du cap de Bonne-Espérance. Harry Grant était de ceux qui préconisaient en Angleterre l’œuvre de M. de Lesseps et ne jetaient pas des rivalités politiques au travers d’un grand intérêt international.

Après cette reconnaissance de la Papouasie, le Britannia alla se ravitailler au Callao, et il quitta ce port le 30 mai 1862, pour revenir en Europe par l’océan Indien et la route du Cap. Trois semaines après son départ, une tempête épouvantable désempara le navire. Il s’engagea. Il fallut couper la mâture. Une voie d’eau se déclara dans les fonds, qu’on ne par-