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rouges, le dévouement du jeune garçon, le sergent Manuel, l’inondation, le refuge sur l’ombu, la foudre, l’incendie, les caïmans, la trombe, la nuit au bord de l’Atlantique, ces divers détails, gais ou terribles, vinrent tour à tour exciter la joie et l’effroi de ses auditeurs. Mainte circonstance fut rapportée, qui valut à Robert les caresses de sa sœur et de lady Helena. Jamais enfant ne se vit si bien embrassé, et par des amies plus enthousiastes.

Lorsque lord Glenarvan eut terminé son histoire, il ajouta ces paroles :

« Maintenant, mes amis, songeons au présent ; le passé est passé, mais l’avenir est à nous ; revenons au capitaine Harry Grant. »

Le déjeuner était terminé ; les convives rentrèrent dans le salon particulier de lady Glenarvan ; ils prirent place autour d’une table chargée de cartes et de plans, et la conversation s’engagea aussitôt.

« Ma chère Helena, dit lord Glenarvan, en montant à bord, je vous ai annoncé que si les naufragés du Britannia ne revenaient pas avec nous, nous avions plus que jamais l’espoir de les retrouver. De notre passage à travers l’Amérique est résultée cette conviction, je dirai mieux, cette certitude : que la catastrophe n’a eu lieu ni sur les côtes du Pacifique, ni sur les côtes de l’Atlantique. De là cette conséquence naturelle, que l’interprétation tirée du document était erronée en ce qui touche la Patagonie. Fort heureusement, notre ami Paganel, illuminé par une soudaine inspiration, a découvert l’erreur. Il a démontré que nous suivions une voie fausse, et il a interprété le document de manière à ne plus laisser aucune hésitation dans notre esprit. Il s’agit du document écrit en français, et je prierai Paganel de l’expliquer ici, afin que personne ne conserve le moindre doute à cet égard. »

Le savant, mis en demeure de parler, s’exécuta aussitôt ; il disserta sur les mots gonie et indi de la façon la plus convaincante ; il fit sortir rigoureusement du mot austral le mot Australie ; il démontra que le capitaine Grant, en quittant la côte du Pérou pour revenir en Europe, avait pu, sur un navire désemparé, être entraîné par les courants méridionaux du Pacifique jusqu’aux rivages australiens ; enfin, ses ingénieuses hypothèses, ses plus fines déductions, obtinrent l’approbation complète de John Mangles lui-même, juge difficile en pareille matière, et qui ne se laissait pas entraîner à des écarts d’imagination.

Lorsque Paganel eut achevé sa dissertation, Glenarvan annonça que le Duncan allait faire immédiatement route pour l’Australie.

Cependant le major, avant que l’ordre ne fût donné de mettre cap à l’est, demanda à faire une simple observation.

« Parlez, Mac Nabbs, répondit Glenarvan.