Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chacun comprit cette obstination devenue une idée fixe, et la respecta.

« Attendons, dit Paganel au major et à Tom Austin. Prenons quelque repos, et réparons nos forces. Nous en avons besoin, soit pour recommencer nos recherches, soit pour continuer notre route.

— Oui, répondit Mac Nabbs, et restons, puisque Edward veut demeurer ! Il espère. Mais qu’espère-t-il ?

— Dieu le sait, dit Tom Austin.

— Pauvre Robert ! » répondit Paganel en s’essuyant les yeux.

Les arbres poussaient en grand nombre dans la vallée. Le major choisit un groupe de hauts caroubiers, sous lesquels il fit établir un campement provisoire. Quelques couvertures, les armes, un peu de viande séchée et du riz, voilà ce qui restait aux voyageurs. Un rio coulait non loin, qui fournit une eau encore troublée par l’avalanche. Mulrady alluma du feu sur l’herbe et bientôt il offrit à son maître une boisson chaude et réconfortante. Mais Glenarvan la refusa, et demeura étendu sur son poncho dans une profonde prostration.

La journée se passa ainsi. La nuit vint, calme et tranquille comme la nuit précédente. Pendant que ses compagnons demeuraient immobiles, quoique inassoupis, Glenarvan remonta les pentes de la Cordillère. Il prêtait l’oreille, espérant toujours qu’un dernier appel parviendrait jusqu’à lui. Il s’aventura loin, haut, seul, collant son oreille contre terre, écoutant et comprimant les battements de son cœur, appelant d’une voix désespérée.

Pendant toute la nuit, le pauvre lord erra dans la montagne. Tantôt Paganel, tantôt le major le suivaient, prêts à lui porter secours sur les crêtes glissantes et au bord des gouffres où l’entraînait son inutile imprudence. Mais ses derniers efforts furent stériles, et à ces cris mille fois jetés de « Robert ! Robert ! » l’écho seul répondit en répétant ce nom regretté.

Le jour se leva. Il fallut aller chercher Glenarvan sur les plateaux éloignés, et, malgré lui, le ramener au campement. Son désespoir était affreux. Qui eût osé lui parler de départ et lui proposer de quitter cette vallée funeste ? Cependant, les vivres manquaient. Non loin devaient se rencontrer les guides argentins annoncés par le muletier, et les chevaux nécessaires à la traversée des Pampas. Revenir sur ses pas offrait plus de difficultés que marcher en avant. D’ailleurs, c’était à l’océan Atlantique que rendez-vous avait été donné au Duncan. Toutes les raisons graves ne permettaient pas un plus long retard, et, dans l’intérêt de tous, l’heure de partir ne pouvait être reculée.

Ce fut Mac Nabbs qui tenta d’arracher Glenarvan à sa douleur. Longtemps il parla sans que son ami parût l’entendre. Glenarvan secouait la tête. Quelques mots, cependant, entr’ouvrirent ses lèvres.