Page:Verne - Le volcan d'or.pdf/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
le volcan d’or.

bord de ce steamer, en route vers des contrées invraisemblables, je devrais être à Montréal, faisant mes préparatifs pour passer la belle saison dans les délices de Green Valley !

— Tu m’avais promis de ne pas récriminer, Summy.

— C’est fini, Ben, c’est la dernière fois. Désormais je ne pense plus qu’à…

— À gagner Dawson City ? demanda Ben Raddle, non sans quelque ironie.

— À en revenir, Ben, à en revenir, » répondit Summy Skim.

Tant que le Foot Ball avait navigué dans le canal, les passagers n’avaient pas souffert de la mer. À peine si le roulis se faisait sentir. Mais, lorsque le paquebot eut dépassé l’extrême pointe de l’île de Vancouver, il fut exposé à la houle du large.

Le temps était froid, la brise âpre. Des lames assez fortes battaient les grèves du littoral colombien. Des rafales où se mélangeaient la pluie et la neige tombaient avec violence. On imagine ce que durent souffrir les passagers du pont, pour la plupart accablés par le mal de mer. Les animaux n’étaient pas moins éprouvés. À travers les sifflements des rafales, c’était un concert de beuglements, de hennissements, de braiments dont on ne saurait se faire une idée. Le long des roufs couraient et se roulaient les chiens qu’il était impossible de renfermer ou de tenir à l’attache. Certains, devenus furieux, sautaient à la gorge des gens, cherchaient à mordre, et le maître d’équipage dut en abattre quelques-uns à coups de revolver.

Pendant ce temps, en compagnie d’une bande de joueurs, que, dès le premier jour, ils étaient parvenus à racoler, le Texien limiter et son camarade Malone vivaient autour d’une table de monte et de faro. Du salon de jeu, transformé en tripot, s’échappaient, jour et nuit, des vociférations et des provocations d’une sauvage brutalité.

Quant à Ben Raddle et à Summy Skim, inutile de dire qu’ils bravaient le mauvais temps. Observateurs déterminés, ils ne