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le volcan d’or.

— Ces plaisanteries sont de mauvais goût, prononça Ben Raddle sèchement, tandis que les deux cousines riaient aux éclats.

— Quel fatras ! soupira Summy Skim, qui alla s’asseoir dans le coin le plus éloigné en manifestant une suprême indifférence.

Ben Raddle le suivit d’un regard courroucé, haussa de nouveau les épaules, et reprit :

— Or, comme notre crédit à la Transportation and Trading Company s’élève à…

Il fut interrompu par Jane Edgerton.

— Après tout, monsieur Raddle, dit-elle de l’air le plus naturel du monde, à quoi bon tous ces comptes ?

— Cependant…

— Oui, à quoi bon ?.. Puisqu’on va évidemment se marier.

Se cramponnant aux bras du fauteuil sur lequel il était mollement étendu, Summy Skim se releva d’un seul coup en poussant un véritable rugissement.

— Avec qui ? s’écria-t-il, la voix étranglée.

Ramassé sur lui-même, le visage convulsé, les poings crispés, il ressemblait à une bête fauve prête à bondir.

Incapables de résister au comique intense de ce spectacle, ses amis partirent à l’unisson d’un homérique éclat de rire.

Il ne riait pas, Summy. Il venait de découvrir son propre cœur, et il en était littéralement bouleversé. Il aimait, lui, le célibataire endurci, si heureux de son célibat, il aimait à l’adoration, depuis longtemps, depuis toujours, depuis que pour la première fois, sur le pont du Foot Ball, lui était apparue cette petite fille qui riait là-bas à gorge déployée. C’est par elle et pour elle qu’il avait si allégrement supporté un absurde exil dans ces contrées baroques. Puisqu’il ne pouvait pas la décider à quitter le Klondike, c’est pour y rester avec elle qu’il s’était condamné à y vivre. Et la voilà maintenant qui parlait tranquillement de se marier ! Avec Ben Raddle sans doute, plus jeune et plus sédui-