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le testament d’un excentrique.

à détendre ses formidables bras dans la direction de son adversaire à hauteur de tête, Cavanaugh, moins haut de taille, mais aussi large d’épaules et d’une vigueur exceptionnelle, — deux lutteurs capables d’aller jusqu’à vingt ou trente « rounds », c’est-à-dire vingt ou trente reprises de boxe.

Le premier était assisté de John Milner, le second de son entraîneur particulier. Amateurs et professionnels les entouraient, avides de juger les passes et contrepasses de ces deux machines de la force de quatre poings.

Mais à peine les bras sont-ils en position, qu’on voit apparaître le shérif d’Arondale, Vincent Bruck, accompagné du clergyman Hugh Hunter, ministre méthodiste de la paroisse, grand vendeur de Bibles, à la fois antiseptiques et antisceptiques. Prévenus par une indiscrétion, tous deux accouraient sur le champ clos pour empêcher cette rencontre immorale et dégradante, l’un au nom des lois pennsylvaniennes, l’autre au nom des lois divines.

On ne s’étonnera pas s’ils furent fort mal reçus, et par les deux champions, et par leurs témoins, et par les spectateurs, très friands de ce genre de sport sur lequel ils avaient même engagé des paris considérables.

Le shérif et le clergyman voulurent parler, on refusa de les entendre. Ils voulurent séparer les combattants, on leur résista. Or, à deux, que pouvaient-ils contre des gens râblés et musclés, assez vigoureux, semblait-il, pour les envoyer d’un revers de main rouler à vingt pieds de là ?…

Sans doute, les deux intervenants avaient pour eux leur caractère sacré. Ils représentaient les autorités terrestre et céleste, mais il leur manquait le concours de la police, qui lui vient en aide d’habitude.

Et, au moment où Tom Crabbe et Cavanaugh allaient se mettre sur l’offensive et la défensive :

« Arrêtez… s’écria Vincent Bruck.

— Ou prenez garde !… » s’écria le révérend Hugh Hunter.