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D’ÎLES EN ÎLES

— Et qu’est-ce donc ?…

— Ce sont ces tortues qui, chaque année, vers la mi-mars, viennent y pondre et enterrer leurs œufs.

— Ah !… il y a des tortues…

— Par milliers, et, même, le rio que tu aperçois sur la rive droite s’appelait le rio Tortuga avant de s’appeler le rio Chaffanjon.

— S’il s’appelait le rio Tortuga, c’est qu’il méritait ce nom, sans doute… Cependant jusqu’ici, je ne vois pas…

— Un peu de patience, oncle Martial, et bien que le moment de la ponte soit passé, tu verras ces tortues en de telles quantités… à ne pas le croire…

— Mais, si elles ne pondent plus, nous ne pourrons pas nous régaler de leurs œufs, qui sont excellents, m’a-t-on dit…

— Excellents, et la chair de l’animal n’est pas moins succulente. Aussi je compte bien que notre patron Valdez saura en attraper pour notre pot-au-feu…

— Une soupe à la tortue !… s’écria le sergent.

— Oui, et cette fois, elle ne sera pas faite comme en France, avec de la tête de veau…

— Ce ne serait pas la peine d’être venu si loin, répliqua le sergent Martial, et de ne manger qu’une simple blanquette ! »

Le jeune garçon ne se trompait pas, en disant que les pirogues approchaient de ces plages où la présence des chéloniens attire les Indiens des territoires environnants. Si ces indigènes n’y apparaissent plus qu’aux époques de pêche, ils les occupaient en grand nombre autrefois. Ces Taparitos, ces Panares, ces Yaruros, ces Guamos, ces Mapoyos, se faisaient une guerre acharnée afin de s’en assurer la possession. Là et avant eux, sans doute, habitaient les Otomacos, actuellement dispersés sur les contrées de l’ouest. D’après les récits de Humboldt, ces Indiens, qui prétendaient descendre d’aïeux de pierre, étaient d’intrépides joueurs de paume, plus habiles encore que ces Basques, de race européenne, introduits au Venezuela. On les citait également parmi ces populations géophages, qui, à l’é-