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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Je te comprends, répondit Jean. Ici, l’Orénoque ressemble à la Loire…

— Oui, Jean, à notre Loire au-dessus comme au-dessous de Nantes !… Vois-tu ces bancs de sable jaune !… S’il naviguait entre eux une demi-douzaine de chalands, avec leur grande voile carrée, à la queue les uns des autres, je croirais que nous allons arriver à Saint-Florent ou à Mauves !

— Tu as raison, mon bon Martial, et la ressemblance est frappante. Toutefois, ces longues plaines qui s’étendent au-delà des deux rives, me rappellent plutôt les prairies de la basse Loire, du côté du Pellerin ou de Paimbœuf…

— C’est ma foi vrai, mon neveu, et je m’attends à voir paraître le bateau à vapeur de Saint-Nazaire, — le pyroscaphe, comme on dit là-bas, un mot qui est fait avec du grec, paraît-il, et que je n’ai jamais pu comprendre !

— Et, s’il vient, le pyroscaphe, répondit le jeune garçon en souriant, nous ne le prendrons pas, mon oncle… nous le laisserons passer… Nantes est maintenant où est mon père… n’est-ce pas ?…

— Oui… là où est mon brave colonel, et lorsque nous l’aurons retrouvé, lorsqu’il saura qu’il n’est plus seul au monde, eh bien… il redescendra le fleuve avec nous en pirogue… puis sur le Bolivar… puis il prendra avec nous le bateau de Saint-Nazaire… et ce sera bien pour retourner cette fois en France…

— Dieu t’entende ! » murmura Jean.

Et, tandis qu’il prononçait ces paroles, son regard se perdait, en amont du fleuve, vers les cerros dont la lointaine silhouette se dessinait au sud-est.

Puis, revenant à l’observation, fort juste d’ailleurs, que le sergent Martial avait faite sur la ressemblance de la Loire et de l’Orénoque en cette partie de son cours :

« Par exemple, dit-il, ce que l’on peut voir ici, à certaines époques, sur ces plages de sable, on ne le verrait ni sur la haute ni sur la basse Loire…