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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

« Il ne suffit pas d’avoir du courage, mon bon Martial, lui répétait-il, il faut faire provision de patience, car nous en aurons à dépenser…

— J’en aurai, Jean, mais ce maudit Orénoque, pourquoi ne se montre-t-il pas plus aimable au début ?

— Réfléchis donc, mon oncle !… N’est-il pas préférable qu’il nous garde ses amabilités pour la fin ?… Qui sait si nous ne serons pas contraints d’aller jusqu’à sa source ?…

— Oui… qui sait, murmura le sergent Martial, et qui sait ce qui nous attend là-bas !… »

Dans la journée du 20, la violence du chubasco diminua notablement, avec le changement du vent qui tournait au nord. S’il tenait de ce côté, les pirogues sauraient en tirer profit. En même temps, les eaux baissèrent, et le fleuve rentra dans son lit normal. Les patrons Martos et Valdez déclarèrent que l’on pourrait partir le jour suivant, à mi-matinée.

Et, en effet, le départ s’effectua dans de très favorables conditions. Vers dix heures, les habitants de la bourgade s’étaient portés sur la rive. Le pavillon du Venezuela flottait à l’extrémité du mât de chaque pirogue. Sur l’avant de la Maripare se tenaient MM. Miguel, Felipe et Varinas, qui répondaient en saluant aux acclamations des indigènes.

Puis, M. Miguel se retournant vers la Gallinetta :

« Bon voyage, monsieur le sergent ! cria-t-il d’un ton de joyeuse humeur.

— Bon voyage, monsieur, répondit le vieux soldat, car s’il est bon pour vous…

— Il le sera pour tout le monde, ajouta M. Miguel, puisque nous le faisons ensemble ! »

Les palancas s’appuyèrent contre la berge, les voiles furent hissées à bloc, et les deux embarcations, enlevées par une jolie brise, prirent le milieu du fleuve, au bruit des derniers vivats.