Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
PREMIER CONTACT.

— Sur la dernière lettre du colonel qu’on ait reçue en France, une lettre adressée à l’un de ses amis de Nantes, et qui était signée de son nom…

— Et vous dites, mon cher enfant, reprit le gouverneur, que le colonel de Kermor a séjourné il y a quelques années à San-Fernando ?…

— Ce n’est pas douteux, puisque sa lettre était datée du 12 avril 1879.

— Cela m’étonne !…

— Et pourquoi, monsieur le gouverneur ?…

— Parce que je me trouvais à cette époque dans la bourgade, en qualité de gouverneur de l’Atabapo, et si un Français tel que le colonel de Kermor avait paru sur le territoire, j’en eusse été certainement informé… Or, ma mémoire ne me rappelle rien… absolument rien… »

Cette affirmation si précise du gouverneur parut faire une profonde impression sur le jeune garçon. Sa figure, qui s’était animée pendant la conversation, perdit sa coloration habituelle. Il pâlit, ses yeux devinrent humides, et il dut faire preuve d’une grande énergie pour ne pas s’abandonner.

« Je vous remercie, monsieur le gouverneur, dit-il, je vous remercie de l’intérêt que nous vous inspirons, mon oncle et moi… Mais, si certain que vous soyez de n’avoir jamais entendu parler du colonel de Kermor, il n’est pas moins acquis qu’il était à San-Fernando, en avril 1879, puisque c’est de là qu’il a envoyé la dernière lettre qu’on ait reçue de lui en France.

— Et qu’allait-il faire à San-Fernando ?… » demanda M. Miguel, question que le gouverneur n’avait pas encore posée.

Ce qui valut à l’honorable membre de la Société de Géographie un formidable coup d’œil du sergent Martial, lequel murmurait entre ses dents :

« Ah çà ! de quoi se mêle-t-il, celui-là ?… Le gouverneur, passe encore… mais ce pékin… »