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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

bétail, qu’on nomme gomeros, parce qu’ils s’occupent aussi de récolter les gommes pharmaceutiques.

Jean avait employé une partie de son temps à lire le récit de son compatriote, lequel, en 1885, lors de sa première expédition, abandonna l’Orénoque pour s’aventurer à travers les llanos du Caura, au milieu des tribus Ariguas et Quiriquiripas. Ces dangers qu’il avait courus, Jean les retrouverait, sans doute, et même aggravés, s’il lui fallait remonter le cours supérieur du fleuve. Mais, tout en admirant l’énergie et le courage de cet audacieux Français, il espérait ne pas être moins courageux et moins énergique.

Il est vrai, l’un était un homme fait, et lui n’était qu’un jeune garçon !… Eh bien, que Dieu lui donne assez de force pour endurer les fatigues d’un tel voyage, et il ira jusqu’au bout !

En amont de l’embouchure du Caura, l’Orénoque présente encore une très grande largeur, — environ trois mille mètres. Depuis trois mois, la saison des pluies et les nombreux tributaires des deux rives contribuaient, par un apport considérable, à la surélévation de ses eaux.

Néanmoins, il fallut que le capitaine du Simon-Bolivar manœuvrât avec prudence pour ne pas s’engraver sur les hauts-fonds, en amont de l’île de Tucuragua, à la hauteur du rio de ce nom. Peut-être même le steamboat subit-il certains raclements qui ne laissèrent pas de causer quelque inquiétude à bord. En effet, si sa coque n’en devait pas souffrir, ayant les fonds plats comme ceux d’un chaland, il y avait toujours lieu de craindre pour l’appareil propulseur, soit un bris des pales de la roue, soit des avaries à la machine.

Enfin, cette fois, on s’en tira sans dommage, et, dans la soirée, le Simon-Bolivar vint mouiller au fond d’une anse de la rive droite, au lieu dit Las Bonitas.