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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Et que fait ce jeune homme ?…

— Il est à la recherche de son père…

— Son père ?… Tu as dit son père ?…

— Oui… le colonel de Kermor.

— Le colonel de Kermor ! » s’écria le missionnaire.

Et qui l’eût observé en ce moment eût vu la surprise qu’il avait d’abord montrée se doubler d’une émotion extraordinaire. Si énergique, si maître de lui qu’il fût d’habitude, le Père Esperante, abandonnant la main du jeune Indien, allait et venait à travers la salle, en proie à un trouble qu’il ne pouvait contenir.

Enfin, après un suprême effort de volonté, le calme se fit en lui, et, reprenant ses questions :

« Pourquoi, demanda-t-il à Gomo, pourquoi Jean de Kermor vient-il à Santa-Juana ?…

— C’est dans l’espoir d’y obtenir de nouveaux renseignements qui lui permettraient de retrouver son père…

— Il ne sait donc pas où il est ?…

— Non ! Depuis quatorze ans, le colonel de Kermor a quitté la France pour le Venezuela, et son fils ne sait pas où il est…

— Son fils… son fils ! » murmura le missionnaire, qui passait sa main sur son front comme pour y raviver des souvenirs…

Enfin, s’adressant à Gomo :

« Est-il donc parti seul… ce jeune homme… seul pour un tel voyage ?…

— Non.

— Qui l’accompagne ?…

— Un vieux soldat.

— Un vieux soldat ?…

— Oui… le sergent Martial.

— Le sergent Martial ! » répéta le Père Esperante.

Et, cette fois, si le frère Angelos ne l’eût retenu, il fût tombé, comme foudroyé, sur le plancher de la chambre.