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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

San-Fernando de Atabapo, auraient pu envier ces solides et confortables habitations.

Le village s’était établi tout près d’un cerro détaché de la sierra Parima, dont les premières déclivités se prêtaient à une installation salubre et agréable.

Au pied d’un talus, sous les ombrages d’un frais morichal, s’élevait l’église de Santa-Juana, de style très simple, dont la pierre fut fournie par les carrières de la sierra. À peine suffisait-elle actuellement au nombre des fidèles qu’attiraient les prédications du Père Esperante et les cérémonies du culte catholique, alors que peu à peu la langue espagnole se substituait à l’idiome des Guaharibos. Et, d’ailleurs, des blancs, d’origine vénézuélienne, — une cinquantaine environ, — étaient venus se fixer dans la Mission, bien accueillis de son chef.

C’était par l’Orénoque que, d’année en année, arrivait tout ce qu’avait exigé la création de cette bourgade, et l’on comprendra que son renom se fût étendu jusqu’à San-Fernando, puis jusqu’à Ciudad-Bolivar et à Caracas. Et pourquoi le Congrès n’aurait-il pas encouragé une œuvre si hautement civilisatrice, qui devait mettre en valeur ces territoires inutilisés, relever intellectuellement des tribus dont la dégénérescence et la misère auraient amené l’anéantissement ?…

Lorsque, du petit clocher, pointant entre les arbres, s’échappaient les battements de la cloche, qui n’eût admiré l’empressement de ces indigènes, vêtus avec décence et respirant la bonne santé ? Hommes, femmes, enfants, vieillards, s’empressaient autour du Père Esperante. Et même, dans la vive expression de leur reconnaissance, ces Indiens se fussent volontiers agenouillés, comme au pied de l’église, devant le presbytère élevé à la base du cerro, au milieu d’un massif de palmiers moriches. Ils étaient heureux, leurs familles prospéraient, ils vivaient dans l’aisance, ils échangeaient fructueusement les produits de leur sol avec les produits manufacturés qui venaient du cours inférieur de l’Orénoque, et leur situation ne cessait de s’améliorer, leur bien-être de s’accroître. Aussi, d’autres llaneros