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LE GUÉ DE FRASCAÈS.

— Votre neveu, sergent Martial, répliqua Germain Paterne. Allons donc !… Il nous battrait à la course !… On voit bien qu’il a été à une fameuse école !… Vous lui avez donné des jambes de soldat, et il a le pas gymnastique ! »

Jusqu’alors, paraît-il, Gomo ne savait pas quel lien de parenté, — parenté imaginaire, — unissait le fils du colonel de Kermor au sergent Martial. Aussi, regardant ce dernier :

« Vous êtes son oncle ?… demanda-t-il.

— Un peu… petit !

— Alors le frère de son père ?…

— Son propre frère, et c’est même pour cela que Jean est mon neveu… Comprends-tu ? »

Le jeune garçon inclina la tête en signe qu’il avait compris.

Le temps était couvert. Les nuages couraient bas, poussés par une brise de sud-est, avec menaces sérieuses de pluie. Derrière ce voile grisâtre disparaissait le sommet de la sierra Parima, et, vers le sud, la pointe du pic Maunoir n’apparaissait plus qu’à travers l’éclaircie des arbres.

Jacques Helloch jeta un regard inquiet du côté de l’horizon d’où venait le vent. Après les premiers rayons au lever du soleil, le ciel s’était presque aussitôt assombri sous l’enroulement des vapeurs qui montaient en s’épaississant. Qu’il vînt à tomber une de ces violentes averses dont s’inondent si fréquemment les savanes méridionales, le cheminement serait retardé, et il deviendrait difficile d’être à Santa-Juana dans le délai fixé.

La petite troupe partit en reprenant la sente entre le rio Torrida et la lisière de l’impénétrable forêt. L’ordre de la veille fut conservé, — le patron Valdez et Jacques Helloch en tête. Tous deux avaient observé une dernière fois la rive opposée. Elle était déserte. Déserts aussi les massifs d’arbres qui se développaient vers la gauche. Pas un être vivant, si ce n’est un monde assourdissant d’oiseaux, dont les chants saluaient le lever du soleil avec accompagnement des aluates hurleurs.