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À BORD DU SIMON-BOLIVAR.

jusqu’à San-Fernando[1] et même au-delà, au port de Nutrias, grâce à la Compagnie vénézuélienne, qui a fondé des services bimensuels.

Ce serait aux bouches de l’Apure, ou plutôt quelques milles en aval, à la bourgade de Caïcara, que ceux des voyageurs qui devaient continuer leur voyage sur l’Orénoque abandonneraient le Simon-Bolivar, afin de se confier aux rudimentaires embarcations indiennes.

Ce steamboat était construit pour naviguer sur ces fleuves dont l’étiage varie dans des proportions considérables depuis la saison sèche jusqu’à la saison pluvieuse. D’un gabarit semblable à celui des paquebots de la Magdalena de Colombie, il tirait aussi peu d’eau que possible, étant plat dans ses fonds. Comme unique propulseur, il possédait une énorme roue sans tambour disposée à l’arrière, et qui tourne sous l’action d’une assez puissante machine à double effet. Que l’on se figure une sorte de radeau surmonté d’une superstructure, le long de laquelle s’élevaient en abord les deux cheminées des chaudières. Cette superstructure, terminée par un spardeck, contenait les salons et cabines réservés aux passagers, le pont inférieur servant à l’empilement des marchandises, — ensemble qui rappelle les steamboats américains avec leurs balanciers et leurs bielles démesurés. Le tout est peinturluré de couleurs voyantes jusqu’au poste du pilote et du capitaine, établi au dernier étage sous les plis du pavillon de la république. Quant aux appareils évaporatoires, ils dévorent les forêts de la rive, et l’on aperçoit déjà d’interminables coupées, dues à la hache du bûcheron, qui s’enfoncent de chaque côté de l’Orénoque.

Ciudad-Bolivar étant située à quatre cent vingt kilomètres des bouches de l’Orénoque, si le flot s’y fait encore sentir, du moins ne renverse-t-il pas le courant normal. Ce flot ne peut donc profiter aux embarcations qui naviguent vers l’amont. Toutefois, il s’y produit des crues qui, à la capitale même, peuvent dépasser douze à quinze mètres. Mais, d’une façon générale, l’Orénoque croit régulièrement jusqu’à la mi-août et conserve son niveau jusqu’à la fin de sep-

  1. Il s’agit de San-Fernando de Apure qu’il ne faut pas confondre avec San-Fernando de Atabapo sur l’Orénoque.