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LE CAMPEMENT DU PIC MAUNOIR.

Le temps était beau, la brise fraîche et régulière. À gauche, sur la rive opposée, étincelait la cime du pic, baignée de rayons solaires, et, du côté de l’est, une large plaque illuminait son flanc boisé.

Les équipages s’occupaient de préparer leur premier repas à l’avant des pirogues, empanachées d’une légère fumée que la brise déroulait vers le sud.

Le vent soufflait du nord, en petite brise, et n’eût point été favorable à la navigation, au cas qu’elle eût pu se poursuivre en amont du campement.

Du reste, ni sur le cours d’aval, ni sur la berge, ni sous les premiers arbres de la forêt, ne se montrait aucun Indien. De cases ou de paillotes, habitées ou abandonnées, on ne voyait pas vestiges. Et, cependant, d’ordinaire, ces rives étaient fréquentées à cette époque. Mais les tribus éparses à la surface de ces territoires ne se fixent nulle part. Il va de soi, d’ailleurs, que les marchands de San-Fernando ne vont jamais si loin sur le cours du fleuve, car ils seraient exposés à manquer d’eau. Et puis, avec quelle bourgade, avec quel rancho, feraient-ils leur commerce d’exportation et d’importation ? Au-delà de la Esmeralda, maintenant désertée, on ne rencontre pas même d’habitations en assez grand nombre pour former un village. Aussi est-il rare que les pirogues dépassent l’embouchure du Cassiquiare.

Le premier, Jacques Helloch prit la parole :

« Vous n’êtes jamais remonté au-delà sur le haut Orénoque, Valdez ?… demanda-t-il.

— Jamais, répondit le patron de la Gallinetta.

— Ni vous, Parchal ?…

— Ni moi, répondit le patron de la Moriche.

— Aucun homme de vos équipages ne connaît le cours du fleuve en amont du pic Maunoir ?…

— Aucun, répliquèrent Parchal et Valdez.

— Aucun… sauf peut-être Jorrès, fit observer Germain Paterne, mais cet Espagnol nous a faussé compagnie… Je le soupçonne de