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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

parce que, depuis une quinzaine d’années, ils ne méritent plus une si mauvaise réputation…

— Vous avez eu des rapports avec eux, monsieur Manuel ?… demanda Germain Paterne.

— Oui… plusieurs fois, et j’ai pu m’assurer que M. Chaffanjon ne m’avait dit que la vérité, lorsque, à son retour, il me dépeignit ces Indiens comme des êtres assez misérables, de petite taille, chétifs, très craintifs, très fuyards et peu à craindre, en somme. Aussi ne vous dirai-je point : « Prenez garde aux Guaharibos », mais je vous dirai : « Prenez garde aux aventuriers de toute nation qui fréquentent ces savanes… Défiez-vous des bandits capables de tous les crimes, et dont le gouvernement devrait purger le territoire, en mettant ses milices à leurs trousses ! »

— Une question ? fit observer Germain Paterne. Ce qui est un danger pour les voyageurs, ne l’est-il pas pour les ranchos et leurs propriétaires ?…

— Assurément, monsieur Paterne. C’est pourquoi, à Danaco, mes fils, mes péons et moi, nous tenons-nous sur le qui-vive. Si ces bandits s’approchaient du rancho, ils seraient signalés, ils ne nous surprendraient pas, on les recevrait à coups de fusil, et nous leur ferions passer le goût de revenir. D’ailleurs, à Danaco, ils savent que les Mariquitares n’ont pas peur, et ils ne se hasarderaient pas à nous attaquer. Quant aux voyageurs qui naviguent sur le fleuve, surtout au-dessus du Cassiquiare, ils ne doivent point se départir d’une extrême vigilance, car les rives ne sont pas sûres.

— En effet, répondit Jacques Helloch, nous sommes prévenus qu’une nombreuse bande de Quivas infeste ces territoires…

— Par malheur ! répondit le commissaire.

— On dit même qu’ils ont pour chef un forçat évadé…

— Oui… et un homme redoutable !

— Voici plusieurs fois, observa alors le sergent Martial, que nous entendons parler de ce forçat, qui, dit-on, s’est évadé du bagne de Cayenne…