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PREMIÈRE ÉTAPE.

— La plus belle que je connaisse ! » répliqua l’Espagnol.

La conversation s’arrêta sur cette réponse. L’heure était venue d’aller rendre visite au rancho du Baré. Le sergent Martial et Jean, Jacques Helloch et Germain Paterne, débarquèrent sur la berge. Puis, à travers les champs de maïs et de manioc, ils se dirigèrent vers l’habitation où demeurait l’Indien avec sa femme.

Cette case était plus soigneusement construite que ne le sont d’ordinaire les paillotes des Indiens de cette région. Elle contenait divers meubles, des hamacs, des ustensiles de culture et de cuisine, une table, plusieurs paniers servant d’armoires, et une demi-douzaine d’escabeaux.

Ce fut le Baré qui en fit les honneurs, car sa femme ne comprenait pas l’espagnol dont il se servait couramment. Cette femme n’était qu’une Indienne, demeurée à demi sauvage, et certainement inférieure à son mari.

Celui-ci, très fier de son domaine, causa longtemps de son exploitation, de son avenir, manifestant le regret que ses hôtes ne pussent visiter le rancho dans toute son étendue. Ce ne serait d’ailleurs que partie remise, et à leur retour les pirogues y séjourneraient plus longtemps.

Des galettes de manioc, des ananas de première qualité, du tafia que le Baré tirait lui-même du sucre de ses cannes, des cigarettes de ce tabac qui pousse sans culture, simples feuilles roulées dans une mince écorce de tabari, tout cela fut offert de bon cœur et accepté de même.

Seul, Jean refusa les cigarettes, malgré l’insistance de l’Indien, et il ne consentit qu’à mouiller ses lèvres de quelques gouttes de tafia. Sage précaution, car cette liqueur brûlait comme du feu. Si Jacques Helloch et le sergent Martial ne sourcillèrent pas, Germain Paterne, lui, ne put retenir une grimace, dont les singes de l’Orénoque eussent été jaloux, — ce qui parut procurer une véritable satisfaction à l’Indien.

Les visiteurs se retirèrent vers dix heures, et le Baré, suivi de