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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

de Jeanne de Kermor que ne soupçonnaient ni Valdez, ni Parchal, ni aucun des hommes des deux falcas ?

Cela rendit Jacques Helloch assez inquiet, et l’Espagnol méritait d’être surveillé, bien que la jeune fille ni le sergent Martial n’eussent conçu le moindre soupçon. Si ceux de Jacques Helloch se changeaient en certitudes, il serait toujours temps d’agir radicalement, et de se débarrasser de Jorrès en le débarquant dans quelque village, — à la Esmeralda, par exemple, lorsque les pirogues y relâcheraient. On n’aurait même aucune raison à lui donner à cet égard. Valdez réglerait son compte, et il se transporterait comme il l’entendrait à la Mission de Santa-Juana.

Toutefois, à propos de cette Mission, Jean fut conduit à interroger l’Espagnol sur ce qu’il en pouvait savoir, et il lui demanda s’il connaissait le Père Esperante, près duquel il désirait se fixer.

« Oui, monsieur de Kermor, répondit Jorrès, après une légère hésitation.

— Vous l’avez vu ?

— À Caracas.

— À quelle époque ?…

— En 1879, alors que je me trouvais à bord d’un navire de commerce.

— Était-ce la première fois que le Père Esperante venait à Caracas ?…

— Oui… la première fois… et c’est de là qu’il partit pour aller fonder la Mission de Santa-Juana.

— Et quel homme est-ce… ajouta Jacques Helloch, ou plutôt quel homme était-ce à cette époque ?…

— Un homme d’une cinquantaine d’années, de haute taille, de grande vigueur, portant toute sa barbe, déjà grise, et qui doit être blanche à présent. On voyait que c’était une nature résolue, énergique, comme le sont ces missionnaires, qui n’hésitent pas à risquer leur vie pour convertir les Indiens…

— Une noble tâche… dit Jean.