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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

des affluents de gauche, qui se promènent lentement à travers la plate savane.

Et c’est ce qui amena Germain Paterne à déclarer, en haussant quelque peu les épaules :

« En vérité, MM. Miguel, Varinas et Felipe auraient là un beau sujet de discussion ! Voici ce Ventuari, qui le disputerait non sans avantage à leur Atabapo et à leur Guaviare, et s’ils avaient été ici, nous en aurions eu pour toute la nuit à entendre les arguments qu’ils s’envoient en pleine poitrine.

— C’est probable, répondit Jean, car ce cours d’eau est le plus important de la région.

— Au fait, s’écria Germain Paterne, je sens que le démon de l’hydrographie s’empare de mon cerveau !… Pourquoi le Ventuari ne serait-il pas l’Orénoque ?…

— Si tu penses que je vais discuter cette opinion… répliqua Jacques Helloch.

— Et pourquoi pas ?… Elle est aussi bonne que celles de MM. Varinas et Felipe…

— Tu veux dire qu’elle est aussi mauvaise…

— Et pour quelle raison ?…

— Parce que l’Orénoque… c’est l’Orénoque.

— Bel argument, Jacques !

— Ainsi, monsieur Helloch, demanda Jean, votre opinion est conforme à celle de M. Miguel…

— Entièrement… mon cher Jean.

— Pauvre Ventuari ! répondit en riant Germain Paterne. Je vois qu’il n’a pas de chance de réussir, et je l’abandonne. »

Les journées des 4, 5 et 6 octobre exigèrent une grande dépense de forces, qu’il fallut demander aux bras des équipages, soit pour le halage, soit pour la manœuvre des pagaies et des palancas. Après la Piedra Pintada, les pirogues avaient dû contourner pendant sept à huit kilomètres un encombrement d’îlots et de rochers qui rendait la marche très lente et très difficile. Et, bien que la brise continuât à