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QUELQUES MOTS DU PASSÉ.

fin de la guerre permît à son mari de venir la chercher. Elle avait hâte de se retrouver près de lui, et, au mois de mai 1871, elle s’embarqua à Saint-Pierre-Martinique sur un paquebot anglais, le Norton, à destination de Liverpool.

Mme  de Kermor était accompagnée d’une femme créole, la nourrice de sa fille, âgée de quelques mois seulement. Son intention était de garder cette femme à son service, lorsqu’elle serait rentrée en Bretagne, à Nantes, où elle demeurait avant son départ.

Dans la nuit du 23 au 24 mai, en plein Atlantique, alors que régnait un épais brouillard, le Norton fut abordé par le steamer espagnol Vigo, de Santander. À la suite de cette collision, le Norton coula à pic presque immédiatement, entraînant ses passagers, moins cinq de ceux-ci, et son équipage, moins deux hommes, sans que le navire abordeur eût pu lui porter secours.

Mme  de Kermor n’avait pas eu le temps de quitter la cabine qu’elle occupait du côté où le choc s’était produit, et la nourrice périt également, bien qu’elle fût parvenue à remonter sur le pont avec l’enfant.

Par miracle, cette enfant ne compta pas au nombre des victimes, grâce au dévouement de l’un des deux matelots du Norton qui réussit à atteindre le Vigo.

Après l’engloutissement du Norton, le navire espagnol endommagé dans son avant, mais dont les machines n’avaient pas souffert de la collision, resta sur le lieu de la catastrophe et mit ses embarcations à la mer. Ses recherches prolongées n’aboutirent pas, et il dut se diriger vers la plus rapprochée des Antilles, où il arriva huit jours plus tard.

C’est de là que s’opéra le rapatriement des quelques personnes qui avaient trouvé refuge à bord du Vigo.

Parmi les passagers de ce navire il y avait M. et Mme  Eredia, riches colons originaires de la Havane, qui voulurent recueillir la petite Jeanne. Cette enfant était-elle maintenant sans famille ? On ne parvint pas à le savoir. Un des deux matelots sauvés affirmait bien que la mère de la petite fille, une Française, était embarquée