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RESPECT AU TAPIR.

Il paraissait cependant que ce village d’Augustino devait avoir quelques chances de durée, bien que sa construction fût récente. Il occupait une place heureusement choisie dans un coude de l’Orénoque. Sur la grève, et en arrière jusqu’à de moyens cerros verdoyants, les arbres poussaient par centaines. À gauche, se massait une forêt de caoutchoucs, dont les gomeros tiraient profit en recueillant cette précieuse gomme.

Le village comprenait une quarantaine de paillotes cylindriques ou cylindro-coniques, et sa population s’élevait à deux cents habitants environ.

En débarquant, M. Miguel et ses compagnons auraient pu croire qu’il n’y avait à Augustino ni enfants ni femmes.

Cela tenait à ce que femmes et enfants, effarouchés, s’étaient enfuis à travers la forêt, suivant leur habitude, dès qu’on leur signale l’approche des étrangers.

Parut un Piaroa de belle taille, quarante ans d’âge, de constitution vigoureuse, de large carrure, revêtu du guayuco, sa chevelure brûlée à la naissance du front et tombant sur les épaules, des bracelets de corde au-dessous des genoux et au-dessus des chevilles. Ce personnage se promenait le long de la berge, entouré d’une dizaine d’Indiens, qui lui marquaient un certain respect.

C’était le capitan, le chef du village, celui qui en avait indiqué l’emplacement, — un endroit très sain, où Augustino n’avait point à souffrir du fléau ordinaire de ces rives, les maudits et insupportables moustiques.

M. Miguel, suivi des autres passagers, s’avança vers ce capitan, qui parlait la langue vénézuélienne.

« Vous êtes les bienvenus, tes amis avec toi, dit-il, en leur tendant la main.

— Nous ne sommes ici que pour quelques heures, répondit M. Miguel, et nous comptons repartir demain au point du jour.

— En attendant, dit le Piaroa, tu peux prendre repos dans nos cases… Elles sont à ta disposition.