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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Certes, non, je ne le permettrais pas ! déclara le sergent Martial, très heureux que son neveu l’eût mis à même de répondre par un refus à la proposition de son compatriote.

— Et pourquoi ?… reprit Jacques Helloch. Cette chasse n’offre aucun danger…

— Il est toujours dangereux de s’aventurer à travers ces forêts qui ne sont pas uniquement fréquentées par des singes, je suppose, répondit le sergent Martial.

— En effet… on peut y rencontrer des ours… quelquefois… répliqua M. Felipe.

— Oh ! des ours débonnaires, répondit Germain Paterne, quelques-uns de ces fourmiliers qui n’attaquent jamais l’homme, et qui vivent de poissons et de miel !

— Et les tigres… et les lions… et les ocelots… est-ce aussi du miel qu’ils mangent ?… riposta le sergent Martial, résolu à ne point en démordre.

— Ces fauves sont rares, affirma M. Miguel, et ils ne rôdent guère autour des villages, tandis que les singes viennent volontiers gambader dans le voisinage des habitations.

— En tout cas, dit alors M. Varinas, il y a un moyen très simple qu’on emploie dans les bourgades de l’Orénoque pour s’emparer des singes, sans les poursuivre, et même sans quitter sa case…

— Et lequel ?… demanda Jean.

— On dépose à la lisière d’un bois quelques calebasses, on les fixe solidement au sol, on les perce d’un trou par lequel le singe peut introduire sa main lorsqu’elle est ouverte, mais d’où il ne peut la retirer quand elle est fermée. Un fruit, un de ceux qu’ils préfèrent, est placé à l’intérieur de ces calebasses. Le singe le voit, il le sent, son désir le pousse, il introduit sa main par le trou, il saisit sa proie, et, comme d’une part il ne veut pas lâcher le fruit, et, comme de l’autre, il ne peut pas retirer sa main, le voilà prisonnier…

— Comment, s’écria le sergent Martial, cet animal n’a pas l’idée d’abandonner…