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UN NUAGE DE POUSSIÈRE À L'HORIZON.

police du fleuve. Il vivait là avec sa femme d’origine métisse, et une demi-douzaine d’enfants de six à dix-huit ans, garçons et filles, vigoureux et de santé florissante.

Lorsqu’il sut que M. Miguel et ses deux collègues étaient de hauts personnages de Ciudad-Bolivar, il leur fit encore meilleur accueil, et les invita à passer la soirée dans sa case.

L’invitation s’étendit jusqu’aux passagers de la Gallinetta. Jean de Kermor en fut d’autant plus heureux qu’il aurait peut-être là l’occasion de se renseigner relativement à ses deux compatriotes, dont le sort ne laissait pas de le préoccuper.

En premier lieu, les patrons Valdez et Martos se chargèrent de ravitailler les pirogues, de les réapprovisionner de sucre, d’ignames et surtout de cette farine de manioc, écrasée à la râpe de pierre, le rayo, qu’on emploie communément, pour ne pas dire exclusivement, à la fabrication du pain dans les régions du moyen Orénoque.

Les deux falcas avaient accosté le revers même de la berge assez escarpée au fond d’une petite anse qui formait port et dans lequel quelques curiares et canots de pêche étaient sur leurs amarres.

On y voyait aussi une troisième falca sous la garde d’un patron indigène.

C’était l’embarcation des deux explorateurs français, MM. Jacques Helloch et Germain Paterne. Leurs mariniers les attendaient à la Urbana depuis six semaines, n’ayant reçu aucune nouvelle d’eux, et pris d’une très vive inquiétude, on peut le croire.

Après avoir dîné à bord des falcas, les passagers se rendirent à la case du chef civil.

La famille se tenait dans la salle principale, qui était simplement meublée d’une table, de sièges en cuir de cerf, et ornée de quelques attributs de chasse.

Plusieurs « notables » de la Urbana avaient été conviés à cette soirée, et, avec eux, un habitant des environs. Ce personnage ne fut pas tout à fait un inconnu pour Jean, grâce au portrait que M. Chaffanjon en fait dans son récit, et chez lequel le voyageur français