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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Il y a cinq semaines ?… Oui… je les ai vus, répondit l’Indien, et leur falca s’est arrêtée pendant vingt-quatre heures à l’endroit où sont les vôtres.

— Ils étaient en bonne santé ?… demanda le jeune garçon.

— Bonne santé… deux hommes vigoureux et de belle humeur… L’un est un chasseur comme je voudrais l’être, et avec une carabine comme je voudrais en posséder une… Des jaguars et des pumas, il en a mis quantité par terre… Ah ! c’est beau de tirer avec une arme qui met une balle à cinq cents pas dans la tête d’un ocelot ou d’un fourmilier ! »

Et, tandis que l’Indien parlait de la sorte, son œil étincelait. Lui aussi était un habile tireur, un chasseur passionné. Mais que pouvaient son fusil de pacotille, son arc et ses flèches, lorsqu’il s’agissait de lutter avec ces armes de choix dont le Français était certainement pourvu.

« Et son compagnon ?… dit M. Miguel.

— Son compagnon ?… répliqua l’Indien. Oh ! celui-là… c’est un chercheur de plantes, un ramasseur d’herbes… »

En ce moment, l’Indienne prononça quelques mots en langue indigène que ses hôtes ne purent comprendre, et, presque aussitôt, son mari d’ajouter :

« Oui… oui… je lui ai donné une tige de saurau qui a paru lui faire plaisir… une espèce rare… et il était si content qu’il a voulu faire notre petite image avec une machine… notre image sur un petit miroir…

— Leur photographie, sans doute… dit M. Felipe.

— Voulez-vous la montrer ?… » demanda M. Miguel.

La fillette quitta sa place près de son ami Jean. Puis, ouvrant un des canastos déposés à terre, elle en tira « la petite image » et l’apporta au jeune garçon.

C’était bien une épreuve photographique. L’Indien avait été pris dans sa pose favorite, le chapeau de fibres sur la tête, la cobija drapée sur les épaules ; à droite, sa femme vêtue de la longue chemise,