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le sphinx des glaces

Première déception : il avait quitté l’Amérique à cette époque, et je ne pus le voir… »

La pensée me vint que cela était fâcheux, car, étant donné la merveilleuse aptitude que possédait Edgar Poe pour l’étude des divers genres de folie, il eût trouvé dans notre capitaine un type des plus réussis !

« Par malheur, poursuivit le capitaine Len Guy, si je n’avais pu rencontrer Edgar Poe, il m’était impossible d’en référer à Arthur Gordon Pym… Ce hardi pionnier des terres antarctiques était mort. Ainsi que l’avait déclaré le poète américain, à la fin du récit de ses aventures, cette mort était déjà connue du public, grâce aux communications de la presse quotidienne. »

Ce que disait le capitaine Len Guy était vrai ; mais, d’accord avec tous les lecteurs du roman, je pensais que cette déclaration n’était qu’un artifice du romancier. À mon avis, ne pouvant ou n’osant dénouer une si extraordinaire œuvre d’imagination, l’auteur donnait à entendre que les trois derniers chapitres ne lui avaient pas été livrés par Arthur Pym, lequel avait terminé son existence dans des circonstances soudaines et déplorables, qu’il ne faisait, d’ailleurs, pas connaître.

« Donc, continua le capitaine Len Guy, Edgar Poe étant absent, Arthur Pym étant mort, je n’avais plus qu’une chose à faire : retrouver l’homme qui avait été le compagnon de voyage d’Arthur Pym, ce Dirk Peters qui l’avait suivi jusqu’au dernier rideau des hautes latitudes, et d’où tous deux étaient revenus… comment ?… on l’ignore !… Arthur Pym et Dirk Peters avaient-ils effectué leur retour ensemble ?… Le récit ne s’expliquait pas à cet égard, et il y avait là, comme en maint endroit, des points obscurs. Toutefois, Edgar Poe déclarait que Dirk Peters serait en mesure de fournir quelques renseignements relatifs aux chapitres non communiqués, qu’il résidait dans l’Illinois. Je partis aussitôt pour l’Illinois… j’arrivai à Springfield… je m’informai de cet homme, qui était un métis d’origine indienne… Il habitait la bourgade de Vandalia… Je m’y rendis…