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onze ans en quelques pages.

jours enfermés dans le labyrinthe, voyaient arriver le moment où ces oiseaux dont ils vivaient leur feraient défaut. Afin d’échapper à la faim, — sinon à la soif, puisqu’une source intérieure leur procurait une eau limpide, — il n’y avait qu’un moyen : c’était de gagner le littoral, puis de s’aventurer au large dans une embarcation indigène… Il est vrai, où les fugitifs iraient-ils et que deviendraient-ils sans provisions ?… Néanmoins, ils n’eussent pas hésité à tenter l’aventure s’ils avaient pu profiter de quelques heures de nuit. Or, à cette époque, le soleil ne se couchait pas encore derrière l’horizon du vingt-quatrième parallèle.

Il est donc probable que la mort fût venue mettre un terme à tant de misères, si la situation n’eût changé dans les circonstances que voici.

Un matin, — c’était le 22 février, — dans la matinée, William Guy et Patterson, dévorés d’inquiétude, causaient à l’orifice de la cavité qui donnait sur la campagne. Ils ne savaient plus comment subvenir aux besoins de sept personnes, réduites, alors, à se nourrir uniquement de noisettes, ce qui leur causait de violentes douleurs de tête et d’intestins. Ils apercevaient bien de grosses tortues rampant sur le rivage. Mais comment se fussent-ils risqués à les rejoindre, puisque des centaines de Tsalalais occupaient les grèves, allant, venant, vaquant à leurs occupations, en poussant leur éternel cri de tékéli-li.

Soudain, cette foule parut en proie à une extraordinaire agitation. Hommes, femmes, enfants, se dispersèrent de tous les côtés. Quelques sauvages se jetèrent dans leurs canots comme si un terrible danger les menaçait…

Que se passait-il ?…

William Guy et ses compagnons eurent bientôt l’explication du tumulte qui se produisait sur cette partie du littoral de l’île.

Un animal, un quadrupède, venait d’apparaître, et, se précipitant au milieu des insulaires, il s’acharnait à les mordre, il leur sautait à la gorge, tandis que sa bouche écumante vomissait de rauques hurlements.